Centre Pompidou - Discours


Madame, chère Claude Pompidou,
Monsieur le Ministre, Monsieur le Maire de Metz, Président de la Communauté d'Agglomération de Metz Métropole, cher Jean-Marie Rausch,
Monsieur le Vice-Président du Conseil régional de Lorraine,
Monsieur le Vice-Président du Conseil général de Moselle,
Monsieur le Président du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou, cher Bruno Racine,
Mesdames, Messieurs, Chers Amis,

Il est des moments forts, des moments rares, de très grands moments de fierté et d’émotion. Je suis particulièrement heureux d’être présent parmi vous aujourd’hui pour partager ce moment exceptionnel. Cette première pierre du Centre Pompidou, que nous posons ensemble, à Metz, marque le début d’une très belle aventure, dont le succès réside dans l’engagement et la passion qui animent chacun de ses partenaires, dans l’addition, dans le rassemblement de toutes les énergies.

C’est une très grande fierté pour les élus et pour tous les habitants de cette cité, de ce département, de cette région, dont le visage ne cesse de se transformer, de permettre l’émergence de ce nouveau haut lieu de culture, de découvertes, de créations, de rencontres, et d’échanges.

Au coeur de l’Europe, au carrefour d’axes majeurs de circulation transfrontières, dans cette ville d’art et d’histoire, si belle, qui a délibérément choisi la France et l’Europe pour horizon de son développement et de son rayonnement, dans cette ville qui a vu naître, entre autres créateurs illustres, Paul Verlaine et Bernard-Marie Koltès, s’élèvera bientôt, au sein d’un quartier rénové, le Centre Pompidou-Metz. Cette institution constituera assurément un atout supplémentaire, un atout décisif pour la notoriété et le rayonnement, dans toute l’Europe, de la Ville de Metz, de son agglomération, et de la Lorraine toute entière. Il viendra enrichir la belle vitalité culturelle de cette cité, qui attire un public, varié, venu non seulement de France mais aussi de Belgique, d’Allemagne, du Luxembourg tout proche, grâce notamment à son prestigieux Arsenal, sans doute l’un des plus beaux ensembles de salles de concerts en Europe, grâce aussi aux spectacles d’art vivant, d’art lyrique de l’un des plus anciens théâtres de France et d’Europe en activité, l’Opéra- Théâtre de Metz.

Le Centre national d’art et de culture Georges Pompidou est l’une des plus grandes institutions françaises. Il jouit d’une renommée internationale, son nom et son prestige résonnent et rayonnent, bien au-delà de nos frontières, dans toute l’Europe, outre-Atlantique et jusqu’en Chine, où vous étiez, cher Bruno Racine, à mes côtés, il y a une dizaine de jours, pour répondre à l’engouement qu’il suscite chez nos amis chinois.

Le Centre Pompidou abrite en effet, vous l’avez dit, l’une des plus importantes collections d’art moderne et contemporain d’Europe et du monde entier, une collection de plus de 50 000 oeuvres. C’est une référence mondiale et originale, tant pour la diversité des artistes que pour celle des disciplines représentées.

Conformément à l’inspiration et à la volonté de Georges Pompidou, le Centre qui porte son nom est un véritable emblème de l’ouverture, du décloisonnement, de la pluridisciplinarité, du dynamisme, de l’audace créatrice. Selon le dessein de Georges Pompidou, il se doit d’être en permanence le reflet de son époque, de prendre le pouls des évolutions de notre société, et d’anticiper les mutations futures. Le développement de l’Europe de la culture et la mondialisation de la vie artistique le conduisent aujourd’hui, à la veille du trentième anniversaire de sa création, à se projeter dans l’avenir, par ce geste ambitieux, qui élargit encore ses horizons et ses missions, dans la fidélité à l’esprit de son fondateur, que je voudrais maintenant évoquer devant vous tous et en particulier devant vous, Madame, qui avez non seulement partagé la vie de Georges Pompidou, mais aussi ses talents, ses valeurs humaines, son insatiable curiosité, sa disponibilité sans faille, son ouverture, qui font qu’avec lui, qu’avec vous, aucune rencontre n’est banale, et il n’est aucune occasion dont on ne puisse tirer un enseignement.

Je veux évoquer l’extraordinaire intelligence, éblouissante, rayonnante, l’humanité, le sourire, le regard, le visage de cet homme. Permettez-moi d’évoquer un moment qui m’a personnellement profondément touché. C’était ce jour de septembre 1969, lors de cette conférence de presse solennelle, au palais de l’Elysée, où, interrogé sur Gabrielle Russier, qui venait de se donner la mort, Georges Pompidou cite Eluard :

" Comprenne qui voudra !
Moi, mon remords, ce fut
la victime raisonnable
au regard d'enfant perdue,
celle qui ressemble aux morts
qui sont morts pour être aimés. "

Georges Pompidou nous a aussi légué, vous a légué, cette exigence, cette qualité, cette faculté de reconnaître le travail des artistes de toutes les époques et singulièrement de la nôtre, traversée par « cette recherche crispée et fascinante du nouveau et de l’inconnu », selon ses propres termes. Oui, l’art, tous les arts, ont été, tout au long de sa vie, sa nourriture quotidienne, ils sont votre nourriture quotidienne, Madame. Et vous aimez la compagnie des artistes et de leurs oeuvres.

Nous pouvons tous ici témoigner de votre inlassable curiosité pour toutes les formes esthétiques nouvelles, pour toutes les créations et pour tous les créateurs, car pour vous les oeuvres d’art et de culture ne sont pas séparables des hommes et de la vie, même et surtout quand elles mettent la condition humaine en perspective. C’est pourquoi la culture est pour vous un art de vivre, une véritable quête de sens, que vous portez avec l’élégance qui vous est consubstantielle.

Et nul n’a mieux décrit l’esprit du Centre qui porte le nom de votre mari, et que vous fréquentez souvent, avec votre intelligence, votre rayonnement, votre exigence, que vous-même, lorsque vous dîtes qu’il a été conçu par lui comme un orchestre, où tous les instruments participent à créer une seule entité vivante, accueillant toutes les formes de culture contemporaine, pour les mettre en regard et en perspective.

Je veux simplement vous dire, Madame, combien nous sommes tous sensibles à votre présence et combien la vision fondatrice de Georges Pompidou, d’un décloisonnement entre les arts, d’une culture qui soit un foyer permanent de rayonnement et d’attraction nationale et internationale, nous inspire aujourd’hui.

Et parce que je sais combien vous partagez la passion de votre mari pour la poésie, j’ai extrait de son Anthologie, qui nous accompagne chaque jour, ces quelques vers que je vous dédie aujourd’hui, Madame. C’est un hymne à la liberté, à la création, à l’audace que symbolise l’implantation du Centre Pompidou à Metz, ce sont les paroles d’Apollinaire, cet appel à tous ceux qui « combattent aux frontières de l’illimité et de l’avenir » :

" Nous voulons vous donner de vastes et d'étranges domaines
Où le mystère en fleurs s'offre à qui veut le cueillir
Il y a là des feux nouveaux des couleurs jamais vues
Mille phantasmes impondérables
Auxquels il faut donner de la réalité. "

Je tenais à rendre cet hommage au grand homme d'Etat, au grand homme de culture, au grand homme de lettres, que fut Georges Pompidou.

Au cœur du projet du Centre Pompidou, il y a cette présence, ce mouvement, cet appel à la participation de tous, de toutes les disciplines, de tous les publics.

C’est un privilège justifié qu’un tel projet prenne racine dans une ville comme Metz, dans cette région de Lorraine dont Georges Pompidou avait déclaré ici même, le 14 avril 1972, qu’elle était, de toutes les régions françaises, celle qu’il avait le plus souvent visitée et son apostrophe d’alors, lui qui portait cette vision de la vocation européenne et culturelle de Metz et de la Lorraine, que vous incarnez aujourd’hui, son appel à la volonté, son acte de foi en l’avenir, demeurent plus que jamais actuels.

La première pierre que nous posons ensemble aujourd’hui est celle de la fondation d’un édifice qui exprime cette confiance en l’avenir, en prolongeant cet acte de foi. C’est celle de la première décentralisation d’un établissement public culturel en France, avec celle du Louvre à Lens, dont le chantier est déjà entamé.

J’y vois le signe d’une volonté très forte de l’Etat et de nos plus grandes institutions de diffuser plus largement leurs oeuvres sur tout le territoire, en créant non pas de simples antennes, mais de véritables nouveaux lieux de culture.

Le Centre Pompidou-Metz s’appuiera sur les si riches collections du Centre Pompidou et du Musée national d’art moderne en particulier. Mais il ne sera pas une simple réplique de la « maison mère », il en sera une émanation innovante, qui transposera à Metz ce qui a fait la réussite du Centre à Paris. Les collections d’art moderne et contemporain, bien entendu, en premier lieu, mais aussi une programmation ambitieuse, pluridisciplinaire, multiculturelle, ouverte à tous les publics, à toutes les générations, à toutes les créations et - pourquoi pas ? - à la confrontation des oeuvres et des regards de toutes les époques, dans cette ville où s’est forgée l’histoire de l’Europe. Avec sa vie et son identité propres, cette nouvelle institution s’intégrera pleinement à la ville de Metz, à la communauté d’agglomération de Metz-Métropole, au département de la Moselle, à la Région Lorraine, tout en étant tournée vers ses voisins européens.

Vous montrerez ici combien la culture est un levier fantastique pour le développement d’une ville et d’une région, un facteur formidable d’attractivité, de rayonnement, et de lien social. J’ajoute que l’élu de Tours que je suis est un peu jaloux de la ville de Metz !

Ce nouveau lieu de culture est résolument tourné vers l’avenir, la création et l’innovation, comme en témoigne le bâtiment exceptionnel imaginé par Shigeru Ban, dont la liberté, l’inventivité, mais aussi le respect de l’environnement comme de l’homme, président à toutes les créations, et Jean de Gastines, avec lequel il collabore pour toutes ses réalisations en France. Depuis leur studio de travail, installé sur la terrasse du 6e étage du Centre Pompidou, ils nous proposent un geste architectural audacieux, puissant, à l’image, et à la hauteur, de l’institution qui l’a inspiré. Leur édifice de verre, de métal, d’acier et de bois, tout en transparence et en légèreté, symbolise l’ouverture, le brassage des cultures cher au Centre Pompidou, mais aussi la proximité avec l’environnement. Une proximité recherchée et revendiquée, grâce à la Haute Qualité Environnementale du bâtiment, qui prouve par l’exemple, combien la culture est au coeur du développement durable, comme le Président de la République en avait eu l’intuition, dès le sommet de Johannesburg en 2002.

Avec ses espaces d’exposition de 5000 mètres carrés, présentant des oeuvres de toutes les disciplines – peintures, sculptures, installations, vidéos, films, maquettes d’architecture, design –, mais aussi son auditorium, qui permettra l’organisation de conférences et de projections, son studio de création, dédié au spectacle vivant et aux installations, sa librairie-boutique et son restaurant, le Centre Pompidou-Metz sera avant tout un véritable lieu de vie, de rencontres, de découverte. Un lieu unique en France et en Europe. Je tiens à féliciter toutes les équipes et tous les talents qui s’y consacrent dès aujourd’hui, au premier rang desquels je tiens à citer Alfred Pacquement, Directeur du Musée national d’art moderne, et bien sûr, Laurent Le Bon, conservateur au Centre Pompidou et l’un de nos plus éminents spécialistes d’art moderne et contemporain, qui se dévoue à ce projet.

Comme le disait Pontus Hulten, ancien directeur du musée national d’art moderne du centre Georges Pompidou, et l’une des figures majeures de la vie artistique du vingtième siècle, qui vient de disparaître, « le premier souci d’un conservateur, (…) doit être de se constituer un public. C’est une démarche passionnelle. Il faut, pour s’insérer dans la texture sociale d’une communauté, employer tous les moyens et toutes les stratégies. Il faut surtout aimer le public qui perçoit par toutes sortes de signes, pas obligatoirement identifiables, ce qui lui est offert. L’une des grandes inventions du Centre, par exemple, ce fut l’ouverture jusqu’à 10 heures du soir. Avant cela, on allait au musée entre deux activités. Là, on terminait sa journée au musée, ce qui fut l’un des éléments du succès ». C’est dire combien le fonctionnement, le projet artistique et culturel ne sont pas séparables de l’édifice que vous allez bâtir ici.

Au sein du nouveau quartier de l’Amphithéâtre, à côté de la gare TGV et en lisière du centre ville, le Centre Pompidou-Metz marquera en effet la présence de la culture au coeur de la cité. Il constituera la pièce maîtresse d’un programme de requalification urbaine ambitieux, confié à l’architecte-urbaniste Nicolas Michelin. Le quartier de l’amphithéâtre, tel qu’il l’a conçu, réalise une véritable utopie urbaine, qui fera de ce quartier hier en friche un pôle d’excellence, respectueux de l’environnement, convivial et à la pointe de l’innovation. Education, économie, culture, environnement : ce nouveau Centre, ce nouveau quartier, seront le symbole vivant de l’audace et de la création, de la France de l’intelligence, de l’attractivité de notre pays, au coeur de l’Europe.

Je me félicite de cette ambition, à la fois européenne, régionale et urbaine, et je suis très heureux que l’Etat, et en l’occurrence le ministère de la Culture et de la Communication, ait soutenu cette très belle aventure. Et, je le disais tout à l’heure, la clé de la réussite de ce très beau projet réside dans la passion qui anime chacun de ses partenaires, et la force des liens qui les unissent. Je tiens à saluer chaleureusement Jean-Marie Rausch, tout particulièrement, Maire bâtisseur et visionnaire de la Ville de Metz, mais aussi la Communauté d’agglomération, le département de la Moselle et la Région Lorraine, leurs élus, leurs équipes, qui ont rendu cette belle utopie réalisable, en ne ménageant pas leur soutien et en témoignant de la force permanente et créatrice du dialogue et de la volonté collective. A l’heure de poser cette première pierre, je suis heureux que ce dialogue entre tous les partenaires se poursuive, afin que nous donnions, ensemble, à cette nouvelle institution, tous les moyens de se développer pleinement, conformément à l’ambition dont elle est le symbole.

Parmi les projets de proximité qui font écho au nouveau Centre et qui entrent en résonance avec lui, je suis particulièrement sensible à la volonté des élus d'engager bientôt la construction d'une vaste médiathèque, à l'échelle des besoins de l'agglomération et de la région Lorraine, aussi bien en matière de lecture publique que de valorisation des collections patrimoniales. Je peux aujourd'hui vous confirmer que cet ambitieux projet, le moment venu, a vocation à recevoir un soutien significatif de l'Etat, dans le cadre du dispositif spécifique destiné au financement des opérations d'intérêt national ou régional, dispositif dont j'ai soutenu la création, au travers de la réforme des aides de l'Etat aux bibliothèques territoriales.

Et parce que le Centre a vocation à tisser des liens, à créer des synergies fécondes avec les autres lieux qui font la fierté de cette région, je salue également tous ses partenaires culturels, l’Arsenal et les Musées de la cour d’or, à Metz, mais aussi, à l’échelle départementale, les centres d’art, et notamment la synagogue de Delme, et au niveau régional, le FRAC Lorraine, sans oublier le très beau musée des Beaux-Arts de Nancy, spécialisé dans le XXe siècle. Je suis également convaincu que le Centre Pompidou-Metz saura tisser des liens féconds avec le musée de la Sarre, à Sarrebruck, où j’ai eu la chance d’inaugurer l’exposition « Etrangement proche », en juin 2004, ainsi qu’avec le Musée d’art moderne de Luxembourg, qui font aussi partie de cette belle aventure européenne, de cette grande ambition culturelle.

Je vous remercie.


Renaud Donnedieu de Vabres