naissance des pieuvres

lundi 27 août 2007 16:45 par Fernand-Joseph Meyer    

de Céline Sciamma
avec Pauline Acquart, Louise Blachère, Adèle Haenel..

Trois  jeunes adolescentes au bord de la piscine municipale de Cergy cherchent à identifier et à vivre leurs désirs. Marie est la plus fluette et la plus silencieuse. Elle s'immisce parmi les nageuses qui s'entraînent pour des compétitions de natation synchronisée. Parmi elles, il y a Floriane, qui tente d'assumer sa réputation d'infatigable séductrice tout en étant taraudée par ses secrets. Fascinée, Marie en oublie Anne. C'est sa meilleure amie qui, malgré son opulence physique, est restée une enfant désemparée pressée cependant d'embrasser les garçons. Marie découvre des troubles qui l'assaillent…  

Il ne s'agit pas d'une énième comédie sur les adolescents avec les options convenues que sont acné et libido mêlées.  
Céline Sciamma, cinéaste de vingt-sept ans, n'y va pas avec le dos de la cuillère. Sans détour ni chichis, elle dresse un portrait intense de trois filles quand elles s'éveillent à la sexualité. On est loin aussi de Catherine Breillat, de Larry Clark ou du récent " Et toi t'es sur qui ? " de Lola Doillon. Céline Sciamma avantage plutôt l'épure sensuelle. Elle ne pêche pas en eaux troubles. Vouée presque exclusivement à l'espace de la piscine - un lieu cinégénique par excellence -, elle file la métaphore du titre sans nous assommer. Les trois héroïnes sont des sirènes surprises par ce qui se noue en leur intimité comme des tentacules étouffantes. Les désirs les troublent, les petites jalousies s'y dénouent et l'homosexualité jamais nommée fluidifie leurs interrogations. Avant de tourner son film, la cinéaste a été primée pour son scénario, étonnant de maîtrise et de concision. Les dialogues souvent crus contrebalancent ce qui pourrait apparaître comme de l'aridité. Des idées de mise en scène, la cinéaste  en déborde. Sous l'eau, elle filme les mouvements saccadés des nageuses comme pour nous montrer leurs désarrois. Ailleurs, dans les vestiaires visqueux, dans les boîtes,  dans les pavillons désertés par les parents, les trois filles sont seules, figées sous le maquillage pour Floriane ou sous la gaucherie pour Anne et Marie. Les trois comédiennes épaulent la cinéaste dans ses efforts de stylisation. Leur diction presque atone colle parfaitement aux désordres qu'elles jouent sans emphase.
Adèle Haenel joue le glamour fragile de Floriane.
Louise Blachère, la copine boulotte, n'en fait pas des tonnes.
Pauline Acquart, la maigrichonne, est bouleversante.
Une cinéaste est née.
Son nom est Sciamma.