rencontre entre CES

jeudi 25 octobre 2007 17:28 par PM    Thionville

Le Luxembourg, vu comme une urgence.

Les CES de Lorraine et du Luxembourg s'étaient donné rendez-vous, vendredi dernier, à la "Maison du Luxembourg", à Thionville. Une deuxième rencontre pour Roger Cayzelle, qui inaugure là un rapprochement inédit avec son homologue du Grand-Duché. Mais pour quoi faire ?


Il semble révolu, le temps où le Luxembourg était considéré comme l'affreux prédateur, aspirateur de main-d'oeuvre qualifiée lorraine. " Au Grand-Duché, il y a une forte dynamique de l'emploi, il faut s'appuyer dessus ", répétait vendredi Roger Cayzelle, président du Conseil économique et social de Lorraine, à l'issue d'une réunion de travail avec les représentants du CES luxembourgeois et des instituts de statistiques (Insee, Statec). Pas déstabilisé par son homologue du Grand-Duché, Romain Schmit, qui vantait " tous les avantages à faire du business au Luxembourg ", R. Cayzelle enchaînait : " Les écarts de charges ne sont pas aussi énormes que cela, nos chefs d'entreprise n'ont pas à se réfugier derrière cet argument ! Ne craignons pas la concurrence du Luxembourg ".

Et de miser sur le développement d'une économie lorraine intégrant de plus en plus concrètement le Luxembourg  : " Il faut que nous développions des activités propres qui peuvent servir aussi au Grand-Duché, en lançant deux ou trois équipements majeurs, orientés sur la recherche et l'innovation, mais aussi la formation continue : nous plaidons pour l'ouverture d'une antenne du Commissariat à l'énergie atomique dans le Nord lorrain ", a poursuivi R. Cayzelle, mû par une forte volonté d'agir à un niveau plus international...

" Un développement durable "
Pourquoi un tel ajustement de doctrine ? Aujourd'hui, le CES de Lorraine apprécie d'autant mieux les opportunités d'un tel rapprochement qu'il a en a balayé les risques. C'est en tout cas l'impression qui se dégage, à la lecture du rapport réalisé en juin par le groupe de travail sur la dynamique transfrontalière, et communiqué vendredi aux représentants du CES luxembourgeois... " Nous n'avons pas pris la mesure de l'impact potentiel du Luxembourg dans la vocation de notre nouveau territoire économique ", y est-il écrit, " les indicateurs économiques de ce pays sont très supérieurs à son poids territorial et démographique : son PIB représentait 55,5 % du PIB lorrain en 2005, pour un quart seulement en 1990. Si la progression se poursuit à se rythme, le PIB luxembourgeois pourrait atteindre 100 % du PIB lorrain à l'horizon 2030 ".

Première " exception " pointée, le Luxembourg s'est développé récemment sur des activités économiques (commerciales, industrielles, de service et de commandement) propres aux grandes villes,  " ces mêmes fonctions (dites métropolitaines) qui n'ont pas suffisamment porté le renouveau économique de notre Lorraine ". La richesse nationale y provient désormais à 84% du secteur tertiaire (à 10 % pour l'industrie), signe d'une stratégie axée sur l'attractivité de sa place financière. S'il avait semblé en douter, le CES considère aujourd'hui l'expansion luxembourgeoise comme du " développement durable ". Mettant en évidence l'écart de progression en nombre d'entreprises créées entre 1998 et 2003 (+4,6% en Lorraine et +13,8% au Luxembourg), l'organisme lorrain note que la région est particulièrement " à la traîne " en matière de services aux entreprises ou d'activités informatiques. De même, il souligne  l'effort de R&D privée au Grand-Duché (87 % des dépenses, 57 % des effectifs).

Rentrer dans la mouvance luxembourgeoise
Plus question pour les Lorrains participant à cette croissance de rester en retrait ! " Cette mutation économique dessine le contour d'un nouveau bassin de vie frontalier ", est-il souligné dans la suite du rapport qui s'extasie face aux 120 000 emplois créés en quinze ans par le Grand-Duché. Et l'avenir s'annoncerait tout aussi favorable. Comme l'a rappelé à Thionville Serge Allegrezza, directeur du STATEC, " selon nos projections, qui se fondent modestement sur une croissance du PIB d'environ 3-4% par an, la population devrait passer de 350 000 à 745 000 d'ici à 2050. La part des frontaliers, à 40 % aujourd'hui, devrait dépasser les 50 %, voire les 60 %... ". Et si les Français sont employés autant au bas de l'échelle qu'en haut, Roger Cayzelle a insisté sur le potentiel que revête le secteur tertiaire supérieur.

" Ce serait chouette ! "
Nourrie par de telles réflexions, la seconde rencontre entre les deux CES aura eu la vertu de rapprocher quelque peu les points de vue, et aux hommes d'apprendre à se connaître. " Nous saluons leur initiative ", remerciait Romain Schmit, président du CES luxembourgeois, " mais maintenant, ce qui serait chouette, c'est que des projets concrets voient le jour, au-delà des actions entre communes. On peut bien discourir de tout, nous ne sommes que des organes consultatifs. Qui va lire ce rapport ? Chez nous, ce sera le Premier ministre. Et côté français, à part le Conseil régional, ce sera qui ? Il y a toujours cette différence de niveaux... qui oblige toute étude à repasser par Paris ".

Pour sortir de l'approche d'un " Luxembourg/Las Vegas et du désert tout autour ", la Grande-Région devrait d'après lui mieux jouer son rôle. Et de conclure, sur le " partage " nécessaire des fonctions entre les territoires : " Un temps, certaines collectivités lorraines ont proposé d'accueillir sur leur sol les activités que les autres ne voulaient pas : celles qui polluaient, qui prenaient de la place..! Aujourd'hui, les partenaires souhaitent un développement harmonieux des deux côtés de la frontière : chacun doit faire ce qu'il sait faire de mieux. La question est maintenant d'identifier ces domaines, c'est là qu'il y a encore quelques pierres d'achoppement ! ".