Berlin - Paris

jeudi 19 avril 2007 16:00 par JPJ    Metz

Juillet 1966 à Berlin. Dans le groupe des élèves du lycée Robert Schuman de Metz venus rendre visite à leurs correspondants allemands René Gantzer et Bernard Schmidt sont à la guitare et au banjo. L'un est devenu enseignant, l'autre médecin mais pour l'heure ils sont les musiciens d'une joyeuse équipe. Airs de folk et Bob Dylan, Joan Baez et Georges Brassens mais aussi les drôles de chansons d'un nouveau venu: Michel Polnareff. Même le piano installé dans l'entrée de l'auberge de jeunesse du quartier Charlottenburg (oui c'est vraiment une autre époque) résonne de la mélodie d'une poupée qui fait non, martelée de façon plus ou moins adroite sur ses touches par les uns ou les autres ...
François Notter, le prof à l'exigence redoutée et à l'enthousiasme communicatif, Bernard Hertzog le tout jeune enseignant mènent au pas de charge leur troupe à la découverte de Berlin-Ouest. Le quartier général français à Tegel. Le stade olympique encore figé dans la sombre mémoire des Jeux de 1936. Le cimetière de Pankow à Berlin-Est et ses stèles, là où ont été tournées quelques-unes des scènes de " La vie des autres ... ". La maison de Le Corbusier, cité radieuse construite sur la montagne des ruines de l'ancienne capitale du Reich. Quelques soirées sur les airs des Beach boys aussi, parfois un parfum de vodka et les premiers baisers.
Plongée dans l'atmosphère invraisemblable de cette ville qui s'était retrouvé coupée en deux un matin d'août, quelques années plus tôt. Le temps de dérouler des barbelés puis de construire un mur qui semblait fait pour durer toujours.

Difficile pour les adolescents que nous étions alors d'imaginer que, 40 ans plus tard, le mur serait un souvenir vieux de 15 ans. Que les deux Allemagnes auraient fini de s'étonner de n'être plus qu'une. Impossible à plus forte raison de deviner que l'un des événements artistiques majeurs de ce printemps 2007 serait le retour en concert de Michel Polnareff après 30 ans d'absence. Paris-Bercy d'abord, puis deux concerts cette semaine à Amnéville devant 15 000 personnes enthousiastes.
Incorrigible parfum de nostalgie ? Pas seulement. La performance est celle d'un mélodiste peu commun, d'un professionnel véritable et d'un personnage hors normes. Et puis ce genre de grand pont est aussi une façon de mesurer, à une échelle plus personnelle, le chemin parcouru entre-temps par un monde qui avance, change et bouge irrémédiablement.
" Nous irons tous au paradis " concluait Polnareff et tout le monde reprenait en coeur. La campagne électorale nous a fait entendre les mêmes paroles sur d'autres musiques. Un peu lancinante elle nous accompagne depuis deux ans maintenant dans un prélude qui n'en finit plus. Que faire dimanche ? Voter bien sûr. Utile, c'est peut-être mieux à condition de militer d'autant plus fermement pour qu'une représentation de la diversité des pensées soit enfin reconnue. Qu'elle puisse trouver un terrain d'expression électoral approprié évitant de transformer en roulette russe le scrutin présidentiel. Les principaux candidats ont rempli ces jours-ci les Arènes et la Foire de Metz. Ils étaient sur le chemin de l'Élysée. C'est nous, individuellement et collectivement, qui serons dimanche sur le leur.