les Promesses de l’ombre

mardi 13 novembre 2007 23:55 par Fernand-Joseph Meyer    

de David Cronenberg
avec Viggo Mortensen, Naomi Watts, Vincent Cassel, Armin Müller-Stahl, Jerzy Skolimovski.

Trois ou quatre plans ultra-violents jamais ne pourront nous éloigner de David Cronenberg. Le cinéaste canadien récidive de plus belle. Il nous plonge dans les bas-fonds londoniens, juste à côté des restaurants luxueux, là où sévit la mafia russe. Comme un conte à rebours, tout commence la veille de Noël… Anna, sage-femme d’origine russe, vit provisoirement chez des parents après un gros échec amoureux. Elle enquête sans arrière-pensée sur l’identité d’une jeune Russe, morte en donnant naissance à une petite fille. Elle sent le danger quand elle découvre que la jeune fille était une prostituée travaillant pour des trafiquants sexuels. Elle découvre un restaurant russe tenu par Semyon, une espèce de « parrain » slave, d’apparence à la fois bonnarde et visqueuse.

Il est entouré par Kyril, son fils, surexcité, monomaniaque, homophobe quoique toujours collé à Nikolaï, chauffeur et garde de corps de Semyon. Nikolaï est aussi le pivot d’un thriller haletant…
David Cronenberg traîne une sulfureuse image de cinéaste « gore ». Il suffit de se remémorer « Videodrome », « Crash » ou « eXistenZ » « M. Butterfly », « Spider » ou « A History of Violence » embrayent avec bonheur sur le mélodrame mâtiné de film noir ou de western.

Avec « Les Promesses de l’ombre » - sans rapport avec le titre original qui pointe les promesses de l’Ouest et les désillusions de l’Est -, le cinéaste renforce son art. Il combine ses capacités romanesques et ses compétences commerciales tout en creusant ses réflexions sur l’identité, la famille qui explose, le corps détourné (ici, pas de mutilations organiques mais des tatouages spectaculaires) et les confusions généralisées. Le personnage de Nikolaï concentre toutes ces obsessions et Viggo Mortensen l’incarne avec une surprenante majesté : présence sculpturale, regard de braise et d’acier mêlés, potentiel de mélancolie inouïe.

On vit et on regarde avec une semblable passion la tragédie que le cinéaste déplie, détourne et colore. Et on se surprend à peine quand on assiste, médusé, à la séquence du combat dans le hammam où Nikolaï achève deux tueurs tchétchènes. Elle est déjà anthologique.

C’est en toute connaissance de cause qu’on regardera un film stupéfiant  qui clarifie à sa démesure la complexité du monde d’aujourd’hui.