Frédéric Niedzielski

vendredi 7 novembre 2008 11:10 par JPJ    Etats Unis

«Obama, c’est aussi l’Amérique d’abord»

Quarante ans après l’assassinat du pasteur Martin Luther King, l’élection de Barack Obama  est un événement considérable qui revêt une charge émotionnelle certaine. La campagne électorale qui aura duré plus de 21 mois et coûté plus de deux milliards  de dollars fera-t-elle du 44e président des Etats-Unis d’Amérique un porteur d’illusions ou un président pragmatique ? C’est la toile de fond des questions que nous avons posées à Frédéric Niedzielski, Messin, professeur à l’Ecole des Hautes Etudes Internationales de Paris.


Avec l’élection de Barack Obama l’Amérique est-elle de retour ?



Avec Obama l’Amérique ne deviendra pas un pays exemplaire. Par contre elle devrait retrouver ses valeurs et renouer, il faut le souhaiter, avec l’héritage de Lincoln, de Roosevelt de J.F Kennedy. Ce dont les Etats-Unis ont le plus grand besoin, c’est de se réconcilier avec le monde. Obama peut y parvenir. Il est métis et ne descend pas d’une famille d’esclaves. Il ne renvoie pas l’Amérique à sa culpabilité ancestrale. Depuis son discours de Philadelphie du 18 mars 2008 nous savons que le nouveau président veut rompre avec le communautarisme caricatural qui ronge la société américaine.


Pourriez-vous être plus précis ?



Sous G.W Bush les Etats-Unis sont passé du rêve de l’hyper puissance au doute absolu. En huit ans le monde n’a pas attendu l’Amérique. Le conflit irakien a coûté plus de 2 000 milliards de dollars. Plus de 4 000 soldats américains ont été tués. Aujourd’hui le rêve américain n’existe plus. Le choc des civilisations cher à Samuel Huntington constituait le ciment pectique, le substrat intellectuel des conservateurs de l’administration Bush. L’analyse ne vaut plus. Aux Etats-Unis les petits propriétaires perdent leurs maisons, l’industrie automobile est au bord de la faillite, la crise environnementale est réelle. L’ Amérique ne pourra plus vivre à crédit, exporter ses déficits comme elle le fait depuis 1944, date des accords de Bretton Woods. Ce qui fondait l’imaginaire américain s’est évanoui.


En quoi l’élection de Barack Obama peut-elle changer le cours de l’histoire ?  


Obama ressemble au monde nouveau. Les origines d’Obama, son parcours, son expérience de travailleur social lui permettent de ressentir un monde en devenir. Il a réussi à s’imposer chez lui et dans le monde. Deux cent mille personnes se sont précipitées à Berlin pour l’entendre. Il porte l’espoir d’une réconciliation intérieure et l’espérance d’une politique étrangère plus équilibrée, d’un leadership américain plus éclairé. Mais n’oublions pas que Obama c’est « l’Amérique d’abord ». Il s’est opposé avec virulence à EADS et au contrat qu’Airbus devait souscrire avec l’aviation US. Obama c’est tout sauf de l’angélisme.


Que faut il attendre de Barack Obama ?



Relisons Bakounine : « Nous sommes nos propres maîtres » écrivait-il. Evitons de réinventer l’atlantisme à tout instant. L’Amérique n’est plus le centre de l’Occident. Et l’Occident n’est plus le centre du monde. Les pays occidentaux représentent 13 % de la population mondiale contre 44 % il y a un demi-siècle ! Obama devra apporter des solutions rapides, choisir ses priorités, calmer les impatiences. Wall Street et les milieux financiers même s’ils l’ont soutenu ne seront pas des partenaires faciles. Obama doit ramener son pays au monde. Son slogan « Yes we can » doit être completé par un utile « but not alone ». L’Amérique peut renouer avec des principes qu’elle a bafoués à Abou Ghraih, à Guantanamo. Elle doit cesser de rudoyer les dirigeants latino-américains, redéfinir sa position en Irak, au Pakistan, en Afghanistan… apprendre à parler avec l’Europe sur un pied d’égalité, enfin !


L’Amérique a-t-elle donné une leçon au monde ?



Oui car la politique est chargée de symboles. B.Obama est un symbole positif, un symbole de rassemblement, de fraternité. Il faut espérer que ce soit un symbole de réconciliation. Obama c’est l’histoire du possible, une belle et grande histoire.