un cœur simple

mercredi 2 avril 2008 14:00 par Fernand-Joseph Meyer    

de Marion Laine
avec Sandrine Bonnaire, Marina Foïs, Pascal Elbé, Johan Libéneau, Thibaut Vinçon, Noémie Lvosky.

Elle a beau s’appeller Félicité et avoir un cœur gros comme ça, elle  ne connaît que malheurs et déceptions. Nous sommes en compagnie de  l’héroïne du conte de Gustave Flaubert, quelque part entre Yvetot et  Rouen, au 19ème siècle. Félicité est domestique. Elle vient de rencontrer Théodore qui la séduit et lui promet le mariage. Abandonnée,  elle propose ses services à Mme Aubin, une bourgeoise sur le déclin  suite à un veuvage inopiné. Félicité, toujours brave, s’adonne à ses  tâches sans compter. Avec un cœur qui toujours déborde, elle se prend  d’une affection toute maternelle pour la fille de sa maîtresse.  Celle-ci coupe court à ces débordements. La fille se retrouve chez les  religieuses. Félicité n’en démord pas. Elle continue à brader sa générosité et elle se retrouve avec un perroquet à qui elle voue toute  sa bonté...

Adapter les grandes œuvres littéraires n’est pas une mince affaire.  Avec « Madame Bovary » du même Flaubert, Claude Chabrol et Isabelle  Huppert ont  fait un beau travail qui frisait le copier-coller  scolaire. Il y a peu, Pascale Ferran nous a offert une merveille de  sensibilté avec son adaptation très libre de « Lady Chatterley » de  D.H. Lawrence. Marion Laine, dont c’est le premier film, se situe entre  les deux. Fidèle à Flaubert, elle s’arroge quelques libertés. Ainsi  l’histoire d’amour de Félicité qui ouvre le film, est bien plus  développée que chez Flaubert. L’importance accordée aux personnages  secondaires – sa sœur et son neveu - enrichit tout autant le film.  Marion Laine ne cesse cependant d’avantager la sobriété. Les  contraintes du film  « à costumes » et du temps qui passe – plus de  vingt années passent sur le visage de Sandrine Bonnaire ! – n’ont pas  eu raison de sa rigueur. Rien de faussement « romantique » dans son film qui coule avec une rare puissance d’expression. L’austérité  apparente est constamment faufilée par la fièvre que ses personnages  vivent toujours en différé. Cette complexité des sentiments est jouée  avec brio par Sandrine Bonnaire et Marina Foïs. Celle-ci a enfin  délaissé les minauderies bancales que lui ont apprises les Robins des  Bois. En bourgeoise hautaine et secrète, elle arrive enfin à nous  étonner. Face à elle, Sandrine Bonnaire revient en force après avoir  bifurqué du côté des comédies molles. Elle joue à merveille  l’authenticité et réussit à imposer l’animalité qui caractérise en  douce le personnage de Félicité.