2008-2009 Obama, crise et espoirs

mercredi 31 décembre 2008

L’année 2008 fut singulière à maints égards. Le capitalisme a produit la pire crise que le monde occidental ait connue depuis 1929.
Derrière ce cauchemar quelques espoirs : l’élection de Barack Obama, et le renforcement de l’Europe sur la scène internationale.
Nous nous en entretenons avec Frédéric Niedzielski, professeur à l’école des Hautes Etudes Politiques de Paris.


JPJ : Quelle est selon vous la véritable signification de l’élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis ?



Frédéric Niedzielski : L’élection d’un homme de couleur à la présidence des Etats-Unis d’Amérique était tout simplement inenvisageable il y a quelques années. Elle revêt une dimension symbolique incontestable. Avant même que Barack Obama entre en fonction, son programme, ses orientations, ses choix attestent de la rupture avec les huit années de présidence de G.W. Bush. Près de 1 000 milliards de dollars vont être investi dans l’économie américaine afin d’enrayer la crise économique et financière, soit plus de 6 % du PIB. Une aide sans équivalent depuis 1956 et la présidence Eisenhower. A titre de comparaison l’aide publique récemment décidée par les pays de l’Union européenne pour faire face à la crise est de 1,5 % du produit brut intracommunautaire !  


Quels seront, selon vous, les points forts de la présidence Obama ?



Evoquant un nouveau “New Deal” formule empruntée à F.D. Roosevelt au lendemain de la crise de 1929, le président élu a délibérément choisi la carte du pragmatisme de la jeunesse et de la diversité. Le changement voulu par Obama réside tout d’abord dans la composition de son équipe de gouvernement. A ce jour la moitié des postes est allée à des femmes. La moyenne d’âge est inférieure à 47 ans. Grand nombre de ministres et de hauts responsables de l’administration sont issus de la prestigieuse Ivy Leage. Pour sortir l’Amérique de la crise B.Obama fait le double pari de la solidarité et de l’intelligence. Le président élu s’est engagé à ce que chaque Américain puisse disposer d’une couverture sociale ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, loin s’en faut. Ensuite le président Obama prévoit des investissements publics massifs  dans les autoroutes de l’information, l’accès universel au haut débit, l’informatisation des dossiers médicaux et l’équipement de toutes les classes et bibliothèques du pays en ordinateurs. Enfin B.Obama met l’accent sur les « emplois verts » qui naîtront d’un grand programme de rénovation des bâtiments publics, de développement des énergies alternatives et de préservation de l’environnement. On est à des années-lumière de la politique de G.W. Bush.


Demeurent les problèmes internationaux, le Proche et le Moyen-Orient, les relations avec l’Union européenne…


Durant la campagne présidentielle Barack Obama a très peu parlé de politique internationale. Son discours de Berlin était empreint d’émotion, d’évocations destinées à séduire l’Europe. Mais pour l’essentiel on ne sait rien, puisque rien n’a été dit. Or B. Obama hérite d’une situation complexe. L’urgence c’est la crise afghane. L’actuel et futur secrétaire à la Défense, Robert Gates vient de déclarer que Kaboul « pose un défi sur le long terme plus complexe que l’Irak ». La difficulté provient du fait que les talibans et Al-Quaïda se servent du Pakistan, zone frontalière avec l’Afghanistan. Obama s’est engagé à intervenir au Pakistan. Comment et avec quels soutiens ?
Le second écueil est celui de la prolifération nucléaire. Sont concernés l’Iran et la Corée du Nord. A l’endroit de Pyongyang et de Téhéran les positions de Barack Obama et de Hillary Clinton sont  concordantes, résolues et extrêmement précises : le recours à la force vis-à-vis de l’Iran si  l’Etat d’Israël est menacé. En même temps la nouvelle administration se dit prête  à discuter avec « les ennemis de l’Amérique ».  Obama s’est dit disposé à recruter 90 000 soldats de plus pour assurer la stabilité et la paix au Proche-Orient. Demeure la question de l’Irak. L’accord de sécurité irako-américain, le Status of Forces Agreement (Sofa), récemment signé entre le gouvernement irakien et l’administration Bush devance les intentions d’Obama. Le président élu avait prévu de retirer toutes les forces de combat en seize mois, soit fin mai 2010. Le Sofa, programme un retrait des troupes pour la fin de 2011. La nouvelle administration devra dans l’urgence choisir si elle respecte le programme initial ou si elle s’en tient aux engagements pris durant la campagne électorale…



Concernant Israël la position des Etats-Unis va-t-elle évoluer ?



La question israélo-palestinienne ne semble pas être une priorité immédiate de Barack Obama même s’il a adopté une ligne pro-israélienne pendant sa campagne. Hillary Clinton la nouvelle secrétaire d’Etat a été plus incisive. A l’instant où le Hamas vient de rompre les accords de cessez-le-feu, l’ex-première dame à ouvertement critiqué l’administration Bush  parce qu’elle ne mettait « pas assez la pression contre le Hamas ». De là à dire qu’il s’agit de la doctrine du président Obama nul ne peut l’affirmer. Par contre ce qui est évident c’est que là où le président Bush voulait changer le Moyen-Orient y compris par la force, la politique du président Obama sera plus pragmatique. Fouad Ajami, un expert de l’université Johns Hopkins proche du nouveau président n’hésite pas à affirmer « Barack Obama et ses conseillers  marquent le retour  à une realpolitik qui accepte de manière résignée les façons de fonctionner des autocraties étrangères. »


Revenons à la présidence française de l’Union européenne. Quel bilan peut-on en tirer ?  



En six mois de présidence française du conseil de l’Union européenne les crises se sont multipliées : crise institutionnelle avec le rejet du Traité de Lisbonne par les  Irlandais, crise russe, crise bancaire et  financière. Autant de crises qui ont changé l’Europe. L’Europe s’est affirmée comme un acteur de politique extérieure alors qu’elle s’en croyait incapable. Elle est passée  de l’influence à la puissance. La France n’y est pas pour rien !


Les problèmes ne sont pas réglés pour autant ?



Certes mais si l’Europe n’avait pas existé que se serait- il produit ? Regardez la chronologie récente : les Américains ont été pris de vitesse dans la crise russo-géorgienne et lors de la crise bancaire. Deux fois l’Union est allée plus vite que les Etats-Unis et a imposé son leadership. C’est un progrès considérable. Bien sûr l’Abkhazie et l’Ossétie du sud sont toujours occupés et les crises financières et bancaires sont loin d’être réglées. Ce que la présidence française aura révélé c’est le retour du politique en Europe. Pour preuve les évolutions diamétralement opposées du rôle respectif de la Banque Centrale Européenne et de la Commission.

La BCE (Banque centrale européenne), l’institution en son temps la plus vilipendée par la classe politique française, s’est montrée coopérative et extrêmement réactive. La BCE, l’institution la plus fédérale de l’Union est renforcée par la crise. Comme le soulignait J.P Jouyet l’ancien secrétaire d’Etat aux Affaires européennes : «  une relation directe entre la banque centrale et les chefs d’Etat et de gouvernement s’est instaurée. On est désormais dans un système coopératif à l’américaine qui ne remet pas en cause l’indépendance de la BCE ». Par contre la Commission européenne a montré ses limites. Elle a été affaiblie par la crise par manque de vision.

Au-delà du pouvoir d’initiative prévu par les traités, ce que l’on attend de la Commission c’est l’anticipation. Lors de son renouvellement, après les élections européennes de juin prochain il faudra qu’elle retrouve vision et sens de l’anticipation. Si elle se cantonne dans un rôle de gestionnaire elle sera à la remorque du Conseil et du Parlement européen ce qui dans une Europe à 27 où l’on combine en permanence le national et le communautaire n’est pas souhaitable parce qu’inefficace et contraignant pour les Etats.

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