Souffle

mercredi 28 novembre 2007 09:30 par Fernand-Joseph Meyer    

de Kim Ki-duk
avec Chang Chen, Zia, Ha Jung-woo.

Comment venir à bout du très riche cinéma sud-coréen ? C’est impossible avec des cinéastes comme  Kim Ki-duk qui tourne sans arrêt.
Deux films en moyenne par an depuis 1996. « Souffle » raconte en toute simplicité des histoires de respiration et de suffocation.
Un jeune couple avec enfant vit dans un appartement hypermoderne à Séoul. L’épouse Zia s’ennuie comme ce n’est pas permis. Elle tue le temps en sculptant des statuettes d’argile ou alors elle oublie tout entre la zapette et l’écran domestique qui est évidemment très plat.

Son mari la trompe avec méthode et assiduité. Mais, précise-t-il, il « s’occupe au moins de la maison ». Un jour, un fait-divers national passe en boucle sur l’écran. Chang Chen, numéro d’écrou 5796, s’est percé la gorge avec le stylet d’un compagnon de cellule. C’est un condamné à mort célèbre. Attirée inexplicablement par Chang Chen, Zia multiplie les visites au prisonnier et un étrange dispositif se met en place alors que le couple initial peine à se rabibocher...

Tous les films de Kim Ki-duk fonctionnent comme des dispositifs dans lesquels on entre avec de petites craintes. L’abstraction nous guette, nous surprend mais elle finit par nous assouvir. On se souvient, entre autres, de « Printemps, été, automne, hiver... et printemps » ou de « Locataires » qui sont, à ce jour, ses plus grands succès publics. On retrouve quelques éléments dans « Souffle » : le jeu des quatre saisons, la rencontre d’êtres solitaires, le voyeurisme, l’occupation d’espaces privés par des êtres désemparés. Le couple initial qui ne se parle plus ou le prisonnier muet après son opération expliquent le peu de dialogues. Kim Ki-duk scrute d’abord les regards et les gestes. Il s’attarde aussi sur d’étranges rituels qui ne ménagent pas l’humour.

Zia accomplit ses visites en jouant avec les couleurs des saisons. Les compagnons de cellule exécutent des ballets où la violence se cogne à la tendresse. Le concierge de la prison qu’on devine devant son moniteur vidéo observe Zia et Chang Chen. Leurs caresses et leurs baisers donnent un deuxième souffle à leur envie de vivre. Retrouver son souffle et respirer de plus belle ne suffit pas pour échapper à l’irrémédiable. Chanter à tue-tête le tube d’Adamo « Tombe la neige » sur une route qui mène à Séoul ponctue un film bref qu’on savoure en douceur. Kim Ki-duk ne veut pas nous essouffler. Il y arrive car son cinéma n’a rien de précuit.

Il est fort justement simple. Et attachant.