quelques heures en été

jeudi 26 juillet 2007 12:00 par MV    Metz

Samedi soir au château de Diedendorf, cinquième édition du festival itinérant Sarre à contes. En pleine Alsace Bossue, la vue à partir du jardin déroule une campagne d'un vert humide. Un esprit guinguette avec la vieille camionnette Citröen garée dans un coin et les tables bistrot en fer forgé. Un petit verre de pinot noir et un duo de musiciens sud-américains. Dans la cour, une scène échappée du temps avec sa décoration foraine. Le sourire de l'organisatrice aussi, celui d'Anne Habermeyer. Silhouette menue et des yeux qui pétillent. Cheveux tirés en queue de cheval, jeans et Converse aux pieds. Difficile de résister à son charme et à son indéniable efficacité.  Elle raconte son parcours de vie, elle qui compose ses semaines entre Paris, pour son métier de comédienne, et la Moselle et l'Alsace pour l'organisation de son festival. Ces kilomètres parcourus pour trouver les bons endroits, ceux susceptibles d'accueillir une pièce de théâtre, un spectacle de danse ou un espace de poésie. Un souhait, celui de " rendre hommage " à sa région, en lui " apportant de belles choses ". Culture de ses racines affectives, parce qu'elle est d'ici et vit là-bas. Anne évoque aussi un " défrichage culturel en certains endroits ", raconte le principe de son festival itinérant où il s'agit de composer un puzzle équilibré pour une programmation harmonieuse. Ce soir-là, à Diedendorf, un spectacle forain, un bonimenteur au chapeau melon désuet et l'épopée de Joe, artiste maudit à la découverte du Nouveau Monde. Deux cents spectateurs, une petite laine sur les épaules et des troubadours. Novateur, drôle, inattendu. Illustration d'une Lorraine qui change d'aspect. Ose enfin sortir de sa gangue légitimiste pour se draper de fantaisie.
Le lendemain, visite audio-guidé des entrailles de la Citadelle de Bitche. Pesanteur de l'histoire. En quelques dizaines de kilomètres, changement de décor et changement d'âme. Découverte de l'ouvrage militaire, les écouteurs à bonnette bleue sur les oreilles. Un parcours complètement revu, le film réalisé par Gérard Mordillat redonne vie à des espaces que les années ont dénudés. L'épopée du siège de la citadelle, en pleine guerre de 1870. Le récit de la folie des hommes, de peuples embastillés dans leurs destins par l'orgueil de leurs dirigeants. La mise en scène se déroule sans pathos, tout en humanité. Ni jugement ni fait de gloire. Réflexion en filigrane sur l'art de diriger avec le choix fait par le commandant de la place militaire française de ne pas se rendre. Simplement par principe.
En contrebas de la muraille, visite du Jardin pour la Paix. Jardin enchanteur éclairé par un soleil rasant, des espaces qui éveillent la curiosité, figent le temps pour ouvrir une parenthèse sur l'ailleurs. A côté du carrousel en réduction où jouent des enfants, dégustation de glaces concoctées à partir des recettes de Christine Ferber. Assis sous la pergola, à contempler le paysage composé de forêts, des toits des maisons aux tuiles mécaniques. Le bruit de la cuillère qui rassemble ce qui se trouve au fond de la coupe de glace. Instants de gourmet.
Retour par le chemin des écoliers. Jouer à se perdre dans le Pays de Bitche mais pas trop. Le nom des villages se teinte d'exotisme linguistique : Volsmunster, Ippling, Simserhof, Rohrbach… Des routes que l'on n'ose pas prendre par peur de ne pas vouloir revenir.
Mon Dieu que la Moselle peut être belle, aussi. L'espace de quelques heures d'un week-end d'été, elle a proposé un autre visage que celui offert avec la mise en circulation du TGV ou la migration pendulaire de ses frontaliers luxembourgeois. Un visage composé de vastes horizons et d'un patrimoine d'exception.


La Sarre à Contes, jusqu'au 12 août.
Renseignement au 03 87 07 68 80.
Citadelle de Bitche, ouvert tous les jours de 10 h à 18 h.
Jardin pour la Paix, ouvert tous les jours de 11 h à 19 h.