affaire Adrien

samedi 26 mai 2007 13:50 par Pascaline Marion    Thionvile

... juin 1998, France 3 refait l'enquête.


Le docu-fiction "L'Affaire Adrien" sera diffusé ce samedi 26 mai sur France 3 Lorraine-Champagne-Ardenne. Il fait partie de la série complète "affaires classées", diffusée cet été  sur l'antenne nationale.

A chaque région son enquête... France 3, qui a coproduit une série de 7 documentaires " retraçant un fait divers particulier ayant eu un écho local, mais peu connu sur le plan national ", s'est intéressé en Lorraine-Champagne Ardenne... à l'" affaire Adrien ". Le 1er juin 1998, le Thionvillois de 12 ans avait disparu mystérieusement lors d'une promenade à vélo sur les bords de la Moselle ; on avait retrouvé son corps le 3 août, dans un ancien blockhaus situé rive droite de la Moselle. Mis en cause relativement vite, Alex Din et Nicolas Hennetier ont été condamnés en 2001.

Une émotion teintée d'impuissance était perceptible, lundi dernier, lors de la diffusion en avant-première du documentaire-fiction au cinéma La Scala, à Thionville. Rien d'étonnant lorsque l'on remonte a posteriori le cours d'une tragédie et le fil d'une enquête, cette succession d'événements décortiqués et tricotés par des professionnels qui sont aussi des hommes : justice, police, media, etc... " Cette affaire avait secoué le Thionvillois dès juin 1998, mais en août, elle a eu un impact sur l'actualité nationale ", a rappelé Xavier Froissart (directeur régional par intérim), justifiant ainsi l'investissement de toute la filière de production de France 3 pour restituer ce fait divers (en coproduction avec Galaxie production et Sunset Presse).  Au total, la série aura nécessité 30ME d'investissement.

" Pour moi, il était déjà mort "
Thionville sous le soleil, un gamin en polo rouge sur un vélo, et bientôt, une mère en état de panique : des scènes de reconstitution qui donnent le ton. Puis c'est la succession jamais ordinaire des premières fouilles, des inquiétudes des proches, des premières pistes policières, etc. " Le 8  juin, j'ai ouvert une information judiciaire pour enlèvement et séquestration, et non pour assassinat, car on n'avait pas retrouvé le corps. Mais pour moi, l'enfant était déjà mort... ", confie Marie-Thérèse de Givry, ex-procureur de la République à Thionville. La maman d'Adrien, Reine Trinclet, en est d'ailleurs aussi persuadée, même si à ce moment-là, chacun croyait à une fugue : le gamin est en effet aperçu aux quatre coins de l'agglomération, comme le rappelle Véronique Léonet, journaliste au Républicain Lorrain.

Fugue : mauvaise piste
Chute accidentelle, enlèvement, fugue : les trois axes de l'enquête sont vite fixés... Pour autant, Olivier Messens (ancien directeur du SRPJ de Metz) semble un peu tendu lorsqu'il explique que sa cellule d'enquête a d'abord étudié le " contexte familial ". Cinq enfants, cinq pères différents, un comportement un peu théâtral : la "mère" est vite passée du statut de victime à celui de " suspect idéal ". Cela dure plusieurs semaines, et la France est alors plongée dans la fièvre de la Coupe du monde de foot.
A la fin du mois de juin, pourtant, les enquêteurs effectuent leurs premières auditions dans le milieu homosexuel régional... Mais il faut attendre un coup de hasard pour retrouver la dépouille du petit adolescent, le 3 août : trois SDF à la recherche d'un abri pénètrent jusqu'au bout d'une ancienne réserve à munitions, dissimulée par des broussailles. " Comment ne pas se poser des questions alors que le bunker est à 150 ou 200 mètres du domicile de la maman ? ", dit un observateur dans le film... " Cet endroit n'était pas indiqué sur certains plans militaires ", note le commissaire Messens.

Un " dommage " ne suffit pas, d'autant que les analyses du médecin légiste révèlent qu'Adrien était décédé dès le 1er juin. Et c'est seulement à partir de ce moment, plus creux en actualité, que " l'avalanche médiatique " se déclenche. Et, même, que  " l'enquête démarre vraiment "! Voisinage, rives de la Moselle et pont de la voie ferrée, parc Napoléon. Tout est passé au peigne fin, et - surprise ! - la liste des suspects s'allonge... Nicolas Hennetier (28 ans) est arrêté, puis relâché. Il aura permis de remonter jusqu'à son amant, Alex Din (36 ans). Et c'est grâce au troublant témoignage d'un pêcheur (qui l'avait croisé, ce 1er juin), que Din passe aux aveux le 24 septembre. Tout devient cohérent. Adrien a tenté de fuir, mais a vite été rattrapé,  recevant un coup fatal sur la tête.
" On ne résiste pas à un pédophile ", témoigne un expert-psychoclinicien, qui estime " qu'on ne naît pas pédophile, on le devient ". Un " père absent ", une " mère trop présente " :  telles étaient les images parentales d'Alex Din.  

Il y aura de multiples rétractations au cours des auditions, mais l'analyse des empreintes génétiques (sur une chaussure d'Hennetier, en mai 1999) et une déchirante reconstitution permettent finalement de confondre le duo, jugé à Metz du 29 janvier au 3 février 2001 : perpétuité pour Din, trente ans pour Hennetier. Verdict confirmé en appel. C'est ce qu'on appelle une " affaire classée ". Rondement menée ? Pas vraiment, mais toutes ces erreurs s'inscrivent comme des leçons de l'histoire judiciaire. On attend désormais le documentaire-fiction de "l'affaire Dils".

Réalisé par Luc David. Diffusion sur France 3 Lorraine Champagne Ardenne, le samedi 26 mai, à 16h20. Interdit aux moins de 10 ans. L'ensemble de la série (7X52 minutes) sera diffusé sur l'antenne nationale de France 3, cet été, en deuxième partie de soirée.?