la part de l’onde

mardi 25 septembre 2007

notre usage du téléphone portable.

Il en dit long sur nos comportements sociaux, nos besoins ou nos craintes. Corinne Martin, maître de conférence en sciences d'info-communication à l'IUT de Thionville-Yutz et membre du Centre de recherche sur les médiations à l'université Paul Verlaine, a étudié les nouvelles conduites engendrées par l'émergence du mobile.

Son ouvrage "Le téléphone portable et nous" (L'Harmattan, 2007) décrypte.

La genèse du téléphone portable remonte au début des années 1990. En ces temps reculés, la bête, en-core rustique, se limite avant tout au statut d'outil professionnel. Consultant chasse collaborateur, en voiture svp. Mais la protohistoire passe, et le mobile rejoint avec une rapidité fulgurante les rangs des produits de consommation grand public. Les jeunes se l'approprient, les femmes se laissent séduire, le domptent, et nos consultants y trouvent de nouveaux usages, tantôt publics ou privés, tantôt à la frontière des deux. La petite machine aurait-elle donc influencé nos comportements de manière intrinsèque ?

Tous branchés
80% de la population française possèdent désormais leur téléphone personnel : une réalité qui induit de plus en plus d'attitudes et d'habitudes normalisées. "Autrefois, le portable avait cet aspect dérangeant dans l'espace public: l'utiliser représentait une incivilité" , avise Corinne Martin. "Mais aujourd'hui, il est partout, l'objet est baladé et cela ne choque plus." Première impératif résultant de cette mobilité: contrôler le déplacement. Alors que de prosaïques "t'es où?" remplacent fréquemment les "allo?" d'autrefois, ce besoin nouveau de pouvoir joindre et d'être joignable à tout moment matérialise toutes les éventualités du risque. Pour la chercheuse, on se prévient au cas où (un accident de voiture, un trou inopiné dans le frigo ou un cours de sport annulé) en intégrant le portable comme une excroissance de soi-même, indispensable. Elle y repère "une sorte de conjuration préventive, qui vise à réduire la charge affective négative liée à ces risques hypothétiques", concédant toutefois que "cela tient souvent de justifications stéréotypées pour l'acquisition d'un appareil". Entité inséparable, le portable devient "l'objet d'un véritable investissement affectif" rappelant la fonction "d'objet transi-tionnel". Les comportements sociaux relatifs aux différentes sphères de la vie quotidienne -familiale, amicale, professionnelle- s'en trouvent fatalement bousculés. Surtout que les limites de celles-ci se font de plus en plus poreuses: quand avec son mobile, maman peut gérer le foyer depuis le bureau, papa peut être lui régi jusqu'à la maison par son travail. A la fois outil de communication, objet de médiation et de maintien du lien affectif, expression de l'identité ou instrument de contrôle, le portable s'est mué ainsi en un instrument de première nécessité.

SMS : recentrer le message
Un autre attrait majeur du mobile qu'aborde le téléphone portable et nous concerne l'usage des SMS. Les mini-messages, un détournement des technologies de communication du téléphone, connaissent un succès qui aura pris tout le monde de court, les opérateurs en premier. Pour repère, 12,7 milliards d'unités ont été envoyées en 2005. Ce sont les jeunes, généralement confrontés au dilemme : budget bridé ou irrepressible besoin de communiquer, qui en sont particulièrement friands, tant les SMS permettent de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Concis, ils recentrent le discours sur l'essentiel. On compte également sur leur qualité de discrétion. "Cette possibilité de discrétion, de retrait de la scène publique qu'offrent les SMS est associée à une véritable extériorisation des émotions et de l'intimité", remarque l'auteur. Et puis il y a leur langage vernaculaire, ludique sémiotique de l'abrégé, qui offre à ses utilisateurs le moyen de resserrer leur sentiment d'appartenance communautaire. Résultat: on pianote beaucoup, la nuit, le jour, en abrégé, se languissant dans une recherche d'instantanéité de réponses toujours plus immédiates.

Quels liens?
Le téléphone portable et nous est un ouvrage qui répond aux critères du travail universitaire: cadré, dé-coupé, académiquement correct. A défaut d'édulcorer le travail de thèse beaucoup plus ample auquel s'est livrée l'enseignante-chercheuse, il offre une vision claire et simple des changements et de la réaffirmation des rôles orchestrés dans nos vies par le téléphone mobile, notamment les schémas sexués au sein du foyer. Il touche par là-même à un point important : la redéfinition actuelle de notre lien intime et social à l'autre. 50 millions d'éternels branchés communiquent sur les ondes... mais définitivement plus comme autrefois.

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