la Semaine & l’Europe [2]

lundi 23 juin 2008 10:15 par Frédéric Niedzielski    Europe

En disant Non au traité de Lisbonne, le peuple irlandais a momentanément suspendu les réformes institutionnelles nécessaires à un meilleur fonctionnement de l’Europe. Ce sont donc les dispositions du traité de Nice signé le 20 février 2001 et entré en vigueur le 1er février 2003 qui continuent à s’appliquer. Un traité qui place le Conseil européen au cœur du processus décisionnel. Comment ce Conseil fonctionne-t-il ? De quelle façon et de quoi décide-t-il ?

[2] Conseil européen : là où tout se décide

C’est  à l’instigation de Valéry Giscard d’Estaing, élu Président de la République française, en 1974, que le Conseil européen est créé. Ce Conseil réunit, quatre fois par an au moins, l’ensemble des chefs d’Etat ou de gouvernement (Présidents ou Premiers ministres, selon la constitution du pays ) des 27 Etats membres de l’Union européenne. Ces réunions sont plus connues sous le nom de « sommets européens ». Le Conseil européen fixe les orientations politiques générales de l’Union. Il est à ce titre l’organe politique suprême de l’Union européenne. En d’autres termes aucune politique ne peut se décider en Europe sans l’aval, des chefs d’Etat et de gouvernement. Nul besoin dès lors de laisser entendre, comme c’est fréquemment le cas que  « nous n’y pouvons rien c’est l’Europe… » car l’Europe se sont d’abord et en tout premier lieu les chefs respectifs de nos Etats !

Le poids des Etats est confirmé par l’existence dans l’architecture institutionnelle de l’Europe, du Conseil de l’Union auparavant dénommé « Conseil des Ministres ». Ce Conseil se réunit régulièrement. Il adopte les actes législatifs et définit les grandes orientations des politiques européennes. Un ministre issu de chaque gouvernement national participe à ces réunions. Ce ministre est habilité à engager la responsabilité de son gouvernement.

neuf configurations différentes
Il existe neuf configurations différentes du Conseil de l’Union. Si l’on traite de problèmes de politique extérieure, c’est le conseil dit « affaires générales » regroupant les ministres des Affaires étrangères qui se réunit. Si l’on traite de problèmes relatifs à l’économie, aux finances, ou à la fiscalité c’est le conseil dit « Ecofin » rassemblant les ministres des Finances et de l’Economie qui délibère, s’il s’agit de transports c’est aux ministres des Transports que les décisions échoient, etc…

Le pouvoir et les prérogatives des Etats est confirmé par l’existence du Comité des représentants permanents (COREPER) dont on  parle rarement mais dont les missions sont déterminantes dans la conduite et l’élaboration des politiques communautaires. Ainsi chaque pays membre de l’Union dispose à Bruxelles d’une équipe permanente de hauts fonctionnaires qui défend les intérêts nationaux de leur gouvernement respectif. Les COREPER sont au nombre de deux. Ces comités sont chargés de préparer les travaux du Conseil et du Conseil de l’Union européenne. Ils sont assistés de groupes de travail constitués de fonctionnaires issus des administrations nationales. Nul ne peut considérer  que ce qui se décide à Bruxelles est ignoré des Etats membres de l’Union !

le processus de décision
Comment ces décisions se prennent-elles ? Il s’agit  d’un processus complexe. Une décision prise au niveau de l’Europe implique quatre institutions au moins : le Conseil, le Conseil de l’Union, le parlement européen et la commission européenne. Cette dernière ne dispose cependant d’aucun pouvoir direct. La Commission agit sur mandat du Conseil. Elle exécute et  propose des dispositions réglementaires (directives, règlements, avis, recommandations…) La Commission  est en outre garante des traités. A ce titre elle veille à ce que les dispositions des traités de Rome, de ceux de Maastricht, d’Amsterdam, de Nice pour n’évoquer que les plus importants avec celui relatif à l’acte unique européen de 1986, soient respectées.

En  Europe décider revient à respecter obligatoirement trois principes : la consultation, l’avis conforme, et la codécision. Dans la procédure de consultation, le Conseil consulte le Parlement. Celui-ci peut approuver la proposition, la rejeter, ou l’amender. Dans les deux derniers cas (amendements ou rejet) si le Conseil modifie un texte il doit statuer à l’unanimité. La procédure d’avis conforme est différente. L’avis du Conseil doit être identique à celui du Parlement européen pour certaines décisions jugées essentielles pour l’avenir de l’Union. Dans ce cas le Parlement ne peut pas amender la proposition de la Commission. Il doit l’accepter ou la rejeter en bloc et ce à la majorité absolue des suffrages exprimés.
Enfin la codécision : c’est le mode décisionnel le plus fréquent. Le Parlement européen ne se contente pas de donner son avis, il partage réellement le pouvoir avec le Conseil. Si le Parlement et le Conseil ne parviennent pas à un accord, le projet est rejeté sine die.

les trois responsabilités du Conseil
Le Conseil, présidé à tour de rôle par chacun des Etats membres pour une durée de six mois, exerce trois responsabilités fondamentales. Il adopte la législation européenne, vote le budget conjointement avec le parlement, coordonne les grandes orientations des politiques économiques…Dans le domaine législatif le Conseil agit et décide sur proposition de la Commission qui à pour responsabilité de veiller à ce qu’une fois la législation adoptée, elle soit effectivement appliquée. Dans le domaine budgétaire le Conseil a le « dernier mot » pour toutes les dépenses dites obligatoires c’est-à-dire les dépenses liées à l’application  directe des traités. En matière de politique économique le Conseil veille à l’homogénéité des actions européennes et nationales.

Le Conseil prend ses décisions par un vote. Chaque pays dispose d’un quota de voix lié à sa population. Plus la population est importante plus le nombre de voix est élevé. La France et l’Allemagne disposent tout comme le Royaume-Uni et l’Italie de 29 voix. La Pologne et l’Espagne ont 27 voix. Les nations les moins peuplées comme le Luxembourg et Malte n’ont respectivement que 4 et 3 voix. L’addition de l’ensemble des voix dont dispose les 27 pays membres de l’Union est de 345. Dans la plupart des domaines le Conseil adopte ses décisions à la majorité qualifiée. Cette majorité est atteinte si un minimum de 255 voix sont favorable au texte discuté, à savoir 72,3 % du total pondéré. Tout Etat membre peut en demander la confirmation que les voix favorables représentent au moins 62% de la population totale de l’Union. Si tel n’est pas le cas, la décision n’est pas adoptée. Dans certains domaines tels que la sécurité commune, la fiscalité, l’immigration…les décisions se prennent à l’unanimité.

si Lisbonne avait été ratifié
La ratification du traité de Lisbonne aurait conduit et conduira peut-être à deux modifications essentielles dans l’organisation  du Conseil européen. Le président du Conseil aurait été élu à la majorité qualifiée par le Conseil pour un mandat de deux ans et demi  renouvelable une fois. Les règles de vote auraient été modifiées avec l’instauration d’une double majorité d’Etats et de population  selon laquelle une « loi » serait adoptée au sein du Conseil si elle obtenait au moins l’accord de 55% des Etats de l’Union (soit 15 pays sur les 27 que compte l’Union) représentant au moins 65% de la population de l’Union…

[1] le jour ou tout a débuté : le 25 mars 1957
Témoignage rencontre avec Nathalie Griesbeck