le destin de Juppé

jeudi 21 juin 2007

Peut-être est-ce dû à un souvenir datant de 1988, mais j'aime bien Juppé. Je l'avais assez longuement accompagné un jour de cette année-là, pendant qu'il arpentait les rues de Metz à l'occasion d'une élection cantonale. Il était venu soutenir François Grosdidier, tout jeune candidat RPR à la conquête du canton de Jean-Marie Rausch devenu ministre d'ouverture mais surtout frappé par la nouvelle loi sur le cumul des mandats. Le ministre maire de Metz et président du Conseil régional de Lorraine avait choisi de se défaire de sa fonction de conseiller général, celle qui l'avait vu rentrer en politique 17 ans plus tôt, à la veille des municipales sur le canton de Raymond Mondon. Autant dire que c'était un moment symbolique fort même s'il ne changeait pas la face du département et de son conseil. Comme candidate pour lui succéder il avait retenu Nathalie Griesbeck une de ses jeunes adjointes.
A la fin de cet après-midi là, donc, deux cortèges se sont un temps évités, puis fait face et enfin croisés dans la ville : celui de Jean-Marie Rausch (qui venait d'arriver, ayant presque sauté en vol de l'avion d'une mission ministérielle) et Nathalie Griesbeck, celui d'Alain Juppé et François Grosdidier. Il y a avait comme un parfum de " règlement de comptes à OK Corral " dans l'air.
Toujours est-il, je l'ai dit, que j'avais trouvé l'homme Juppé particulièrement brillant et tonique, cohérent, doté de projets et de recul. Ce sentiment me reviendra tout au long de la vingtaine d'années écoulées à chaque fois Juppé sera en position délicate, frappé par la malchance ou le destin, coincé dans une rigidité qu'il avait développée, assumant parfois là où d'autres réussissaient à louvoyer.
Il en a été de même ce week-end. Le voir renoncer à un ministère qui semblait taillé à la mesure de sa propre histoire ( et les petits tours à vélo n'y sont pour rien) simplement parce qu'une candidate PS sans relief particulier l'avait devancé de quelques centaines de voix à Bordeaux me laisse dubitatif. Un peu comme devant le spectacle d'une fatalité, d'une sorte de tragédie qui fait que cet homme là n'en finit pas de se faire écraser par la pierre qu'il pousse sur la pente d'une colline. Un mythe. Un paradoxe aussi quand on voit Jean-Louis Borloo, le gaffeur piégé par Fabius, ramasser la mise. Au moins cela aura-t-il permis d'installer une femme de qualité à Bercy pour la première fois et donné à Nicolas Sarkozy l'occasion de continuer à surprendre par une équipe dont certains choix semblent relever à la fois du bluff et du génie…

Cela étant dit, il m'arrive de considérer aussi que les règles les plus stupides sont celles qu'on s'impose quand elles n'existent pas. Que l'on puisse souhaiter que des ministres se fassent élire pour donner la mesure de l'enjeu, pourquoi pas. Se priver de la possibilité de décider et de choisir à cause de cela, c'est plus discutable. Que ce soit Balladur, Raffarin, ou Fillon, ils ont a chaque fois établi une jurisprudence en matière de ministères : sur les mises en examen, (même si la présomption d'innocence s'en accommode mal), sur le non-cumul entre ministère et exécutif local, (on a vu ce que cela donnait dans les Hauts-de-Seine notamment), sur la condition d'élection aujourd'hui. N'est-il pas suffisant qu'un président de la République soit élu par la majorité de 85 % des Français pour qu'il puisse avec son Premier ministre choisir les hommes pour mener sa politique même si quelques centaines de Bordelais ont fait pencher localement le plateau de la balance dans une autre direction ?

En attendant, à Metz la Cour d'appel semble bel et bien menacée par la réforme (rapide bien sûr) de la carte judiciaire. Ce dossier illustre à quel point les cohérences politiques affichées en haut lieu se transforment parfois en paradoxes, en non-sens ou en caricature quand elles arrivent sur le terrain. C'est dans ces combats-là que doivent s'engager nos députés… Leur élection doit être le label pour nous représenter bien plus que les conditions pour être ministre un jour.

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