signe de vie

jeudi 22 mai 2008 08:00 par JPJ    Metz

Des yeux qui rient et des dents en amande.  Probablement pas le bon ordre, peut-être même pas les bons mots. Mais les amandes, c’est à croquer non ?  En tous cas elle se reconnaîtra. Forcément. Et puis sa façon de vous dire les choses en vous regardant bien en face.  Comme par exemple ce : « vous savez que désormais j’attends le jeudi... »  qui vous fait fondre d’aise puis vous emplit d’une trouille prospective quand elle ajoute : «et la semaine prochaine, votre édito? ». Parce que la semaine prochaine c’est maintenant. C’était même plus précisément avant-hier.
Curieux territoire que celui que nous partageons dans ces colonnes.  Dont les limites ne sont pas fixées par les chiffres de diffusion du journal ni même par un statut spécifique de  lecteur pour l’un, de rédacteur pour l’autre.  Non, juste quelques indications de temps à autre, un petit signe de vie par ci par là. On devrait faire plus attention aux signes de vie... dans la vie. On n’y pense le plus souvent que lorsqu’il est trop tard ou qu’ils ne veulent plus forcément dire quelque chose. Ecrire c’est  envoyer une bouteille à la mer en espérant qu’elle arrivera quelque part. Qu’ensuite quelqu’un l’ouvre, lise le message et le comprenne. Qui sait peut-être même, le partage ? Un journal  c’est comme un grand voisinage de quartier. On n’est pas sûr de se voir tous les jours mais au moins, on sait qu’on vit ensemble. Et on n’attend pas la canicule pour donner des signes de vie.

Le voisinage, on est en plein dedans depuis quelques jours ! Nouvelle fête carillonnée d’un esprit de communauté à reconquérir. D’ailleurs à La Semaine, nous en profitons pour accueillir nos voisins de métier venus de toute la France pour un congrès national. Celui de la presse hebdo régionale. 240 titres , 7 millions de lecteurs. On vous dit tout ça plus loin. L’an dernier, lors de ce même congrès à Brest nous avions parlé de la nécessité ou pas de l’édito. De  la relation entre le journal et ses lecteurs.
Autre relation sur laquelle je vous propose de vous arrêter pendant quelques phrases, le temps de l’imaginer ou de la ressentir : c’est celle existant entre un éditeur et... son journal. Rassurez-vous ce n’est de l’exhibitionnisme puisque c’est une condition partagée par tous les participants à ce congrès jeudi et vendredi à Metz. Pas précisément nombriliste non plus puisque c’est un  extrait du dernier livre de Denis Robert (1) qui me semble illustrer le mieux cette relation qu’il décrit entre lui-même et le livre qu’il est en train d’écrire. Echangez le mot livre contre celui de journal et vous  n’en serez pas loin. Je vous l’assure.

« Je suis au milieu du gué et du livre.  Je deviens le livre et le livre devient moi.  J’aurai passé une année sur lui et avec lui, à le lâcher, à le voir revenir, à l’abandonner, à le trouver lourd avec ses gros sabots. Puis à le reprendre dans mes bras en lui mouchant le nez. Je l’ai pris en grippe. La ferme, le livre ! Retourne d’où tu viens »....
« Puis c’est lui qui à son tour s’est mis en m’engueuler : pour qui tu te prends ? Tu crois que tu peux me jeter comme un chewing-gum ratatiné. Non mon vieux, que tu le veuilles ou non, je suis là. Je sortirai. Je t’emmerde. On vivra ensemble ou on crèvera ensemble ».
« Je me doutais bien qu’il exagérait, poursuit Denis Robert, mais je n’en étais pas sûr ».
Denis Robert, c’est un grand bonhomme avec de gros ennuis,  juste près de chez nous. Un voisin. Acheter son bouquin, c’est lui donner un vrai signe de vie. Tant qu’on y est.

(1) Denis Robert «  Une affaire personnelle » ( Flammarion).

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