le miroir brisé

mardi 18 mars 2008

" Metz est une ville dont les pouvoirs se contemplent en leur miroir " : cette phrase de Ben, placée en exergue de son exposition il y a trois ans à l'Arsenal de Metz avait retenu notre attention. Par la justesse et le caractère synthétique du trait. Par le clin d'oeil et l'encouragement à persévérer que nous avions ressentis au moment même où " La Semaine " faisait son pari d'exister et se heurtait, dans un premier temps, à cette glace, à ce miroir sans tain permettant à certains des pouvoirs en place d'observer l'exécution de tout nouveau venu sans avoir l'air d'y participer.

Dans cette même salle, le week-end dernier, nous avons pu découvrir la très belle exposition des oeuvres
du photographe anglais Mickaël Kenna. Des horizons urbains dans la nuit et une fascinante série de ponts. En Europe de l'Est comme à Paris et aux Etats Unis, des constructions qui ressemblent à autant de promesses, de passages.

De l'humour aux ponts il aura fallu trois ans. Pour que Metz bascule, il aura suffi de quelques jours. Et ce dimanche pour Jean-Marie Rausch comme pour la ville, le miroir s'est brisé. Jusqu'à ce jour il se reconnaissait en elle, elle se reconnaissait en lui. Parfois même il se pensait devenu elle, alors qu'elle n'appartient, depuis plus de vingt siècles, qu'à elle-même. Cette ville qui est à la fois pierre et colline, chemin et place mais aussi eau de la Moselle. Un miroir qui n'en finit jamais de couler. Même s'il donne le sentiment trompeur à ceux qui s'y contemplent trop longtemps qu'il ne regarde qu'eux...

A quoi pouvait bien penser Jean-Marie Rausch dimanche après-midi chez lui alors que toute la pluie du ciel nous tombait sur la tête et noyait de façon préventive des chagrins pas encore avérés ? A ce bureau de la mairie où il irait s'installer dans quelques heures pour tenter d'arracher encore une dernière victoire. A ce Centre Pompidou qu'il n'inaugurerait probablement pas, ou du moins pas en tant que détenteur du pouvoir, une notion pour lui plus jouissive que toute autre. A l' équipe qu'il avait entraînée dans cette bataille, à moins que ce ne soit l'inverse tant certains avaient fait de lui l'indispensable marchepied vers leur propre rêve. A un dernier échange ? Oui mais comment parler soudain quand depuis si longtemps on n'a fait qu'ordonner. Et à qui parler sans courir le risque d'être consolé ou flatté ? Le menton et les lèvres reposés sur le bout des doigts joints, comme dans une concentration orientale, il préfère alors se taire. L'Orient, les Tibétains et leur révolte réprimée par les Chinois, Benazir Bhutto assassinée il y a quelques mois et qu'il avait rencontrée deux fois. Oui, il a l'impression soudain que l'air ne peut venir que d'ailleurs...

Metz entre-temps s'habituera à vivre, à parler et à se projeter différemment. Dominique Gros, le futur maire ne se fait aucune illusion sur l'ampleur et les risques de la tâche qui l'attend. " Nous n'aurons pas le temps de fêter ", disait-il l'autre soir. " La véritable bataille commence ". D'autres y sont parvenus, à Paris, à Dijon ou à Lyon.

Mais ce changement de patron ou de maire est bien loin d'être la seule clef de l'avenir de Metz. C'est l'ensemble des Messins qui devra retrouver après ces passes d'armes, après cette longue délégation d'image à un seul homme, un nouvel équilibre intellectuel et moral. Une nouvelle dynamique qui pourrait lui permettre, lorsque arrivera notamment l'heure d'inaugurer Pompidou dans deux ans, d'être une ville qui se mire dans le regard des autres, dans celui des habitants du monde entier plutôt que dans son propre miroir. Pas insurmontable.

Allez, à la santé de Dominique Gros, de sa majorité et de son opposition.
A la santé de Jean-Marie Rausch.
A l'avenir de Metz.

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