armées en Lorraine

samedi 21 juin 2008 10:00 par Gilbert Mayer    Lorraine

la logique s’impose, les inquiétudes demeurent.

Le Président de la République a annoncé mardi, la baisse de 54 000 effectifs au sein des armées. Une énième réforme destinée à adapter le dispositif aux menaces et surtout à tenir compte des capacités financières du pays. A un terme de six à sept années, la Défense n'emploiera plus que 225 000 personnels, mais l'outil devrait être plus opérationnel. Restent les choix eux-mêmes souvent traumatisants, notamment pour la Lorraine.

Mobilisation mercredi matin devant le Palais du gouverneur à Metz.
Les élus manifestaient pour le maintien du 2e régiment de génie.

Le nouveau bouleversement qui va affecter la Défense nationale sera sûrement douloureux pour l'institution et pour les garnisons. En Lorraine plus précisément où la présence militaire est particulièrement forte. L'adaptation de l'outil aux nouvelles menaces qui pèsent sur la France, à commencer par le terrorisme, doit cependant aussi tenir compte de la possible réapparition d'une menace majeure, «qui mettrait en péril la survie de la Nation» a indiqué Nicolas Sarkozy. Ce que l'on dit moins, c'est que la France n'a plus les moyens de ses ambitions affichées.

L'armée professionnelle a coûté bien plus cher que cela était imaginé en 1996 par le Président Chirac et les efforts n'ont pas toujours été constants. Sous l'ère du Premier ministre Jospin, les moyens ont été si comptés, que même les avions les plus modernes étaient cloués au sol, faute de pièces de rechange. Les matériels majeurs des armées sont le plus souvent parvenus au point de rupture.

Or, dans une telle situation, il faut avoir le courage de ne pas entretenir le mythe d'unités nombreuses, mais qui n'ont plus de consistance opérationnelle réelle. A défaut de réinjecter l'argent qui serait nécessaire pour rendre l'appareil militaire actuel efficace, la  gestion consiste à supprimer des unités. Car même si le Président de la République affirme que : «Le budget de la Défense ne baissera pas et qu'à partir de 2012 il progressera», plus personne n'évoque la valeur plancher des 2 % du produit intérieur brut pour caler l'effort national en faveur de sa sécurité. Sur les 337 milliards d'euros annoncés par le président Sarkozy d'ici 2020, 200 milliards d'euros seront dédiés au seul équipement.

opérationnelle pas aménageuse
Conscient de ce que la pilule va une nouvelle fois être amère pour les armées, comme pour les régions qui les accueillent, Nicolas Sarkozy a cependant indiqué devant 3 000 militaires réunis à la Porte de Versailles : «Dans mon esprit l'Armée assure la sécurité de la Nation, pas l'aménagement du territoire.»
Il a raison techniquement, mais politiquement, il n'ignore pas qu'il va devoir entendre le flot des protestations qui a déjà commencé à se déverser. «Nous devons cependant choisir entre une Armée qui fait de l'aménagement sans être opérationnelle et une Armée qui assure la sécurité des Français» a ajouté le Président.

Ces nouvelles coupes claires qui seront opérées dans les rangs heurteront de plein fouet la Lorraine. La liste des sites et bases menacés fait froid dans le dos aux élus et aux populations, mais au fil des années écoulées peu de personnes se sont souciées de l'état dans lequel évoluait le dispositif. Sans cesse engagées dans des opérations extérieures à travers le monde avec des moyens épuisés et sans toujours disposer des bons outils, les Armées ont fait front en silence, mais en connaissant des tensions aux limites de la douleur. Le commandement a souvent tiré le signal d'alarme, mais la Nation financièrement aux abois, n'a guère voulu entendre.

En même temps qu'il fait porter l'effort de la déflation sur l'administration et les emprises, afin de privilégier les unités combattantes, leur équipement et leur entraînement, le nouveau livre blanc de la Défense entend aussi faire massivement porter l'effort sur le renseignement.

une politique européenne...vite
Derrière cette cure d'amaigrissement plus dictée par le manque de moyens financiers et par un souci d'ajustement réaliste, que par l'habillage géostratégique mondial, il y a aussi une autre idée: rejoindre le commandement intégré de l'OTAN et conduire un effort renforcé européen en matière de Défense. Vue sous ces angles, la refonte de notre dispositif semble cohérente et juste, tant il est désormais avéré que la France ne peut plus développer toutes les technologies, ni toutes les spécialités pour demeurer indépendante. Les interventions extérieures sont d'ailleurs de plus en plus souvent le fait de groupements de force internationaux à commandement multinational. Il faudra cependant veiller à conserver une capacité à commander, si la France ne veut pas être réduite à être une simple fournisseuse de moyens. Sur le terrain, il existe bien un corps européen et une brigade franco-allemande, mais ces unités ne font pas une politique européenne de Défense. Or, ce qu'entreprend la France aujourd'hui appelle pour être vraiment efficace, un effort partagé des partenaires du vieux continent. Sans quoi l'Armée française retaillée ne sera plus qu'un nain, valeureux certes, mais néanmoins un outil au petit pied. Seule subsiste de la politique d'indépendance du général de Gaulle «une dissuasion nucléaire qui restera strictement nationale», a dit le Président.