"j’ai une question à vous poser"

mardi 20 février 2007 20:02 par AFP    

Les Français se passionnent pour les émissions politiques "new look"
 
L'émission politique de TF1 avec Ségolène Royal a battu des records d'audience lundi soir, une preuve supplémentaire de l'intérêt des Français pour la présidentielle et un nouveau succès pour les programmes qui privilégient le témoignage de simples citoyens.
"J'ai une question à vous poser", qui avait pour invitée la candidate PS à la présidentielle, a attiré 8,91 millions de télespectateurs lundi soir, ce chiffre grimpant à plus de 10,5 millions vers 21H30, selon les chiffres Médiamétrie communiqués mardi par la chaîne.

C'est un record depuis plus de 10 ans pour une grande émission politique diffusée en première partie de soirée, selon TF1.
Quinze jours auparavant, Nicolas Sarkozy, invité de la même émission avait lui aussi attiré les foules, tout en réalisant un score moindre à celui de Ségolène Royal: 8,241 millions de télespectateurs avaient regardé le candidat UMP.
Ces taux d'audience "très forts" montrent que "le pays investit beaucoup dans cette campagne, au-delà des contenus des propositions des candidats", note Stéphane Rozès, directeur général adjoint de l'institut de sondages CSA.
Les intentions de participation au vote sont actuellement supérieures de 10 points par rapport à la même période de 2002, ajoute-t-il. Et "nos études montrent que la présidentielle est le premier sujet de conversation des Français, avant le travail, les loisirs et la famille".
Mais le succès de "J'ai une question à vous poser" tient peut-être aussi à la forme même de cette émission politique, selon des sociologues. Dans cette émission, un candidat à la présidentielle est debout face à un amphithéâtre comprenant 100 Français issus d'un panel représentatif, qui lui posent des questions. Le journaliste, Patrick Poivre d'Arvor, intervient peu.
Pour François Jost, professeur à la Sorbonne en sciences de l'information et de la communication, l'émission s'apparente à "un spectacle, un grand oral, une épreuve de l'ENA, où l'on est capable de répondre à n'importe quoi et très vite". "C'est plutôt ce match-là qui fait de l'audience".
L'effacement de l'expert ou du journaliste, au profit de l'homme de la rue, "n'est que l'aboutissement d'un phénomène que l'on observe dans plusieurs émissions télévisées depuis au moins dix ans", ajoute M. Jost. Ces émissions, qui vont de "Loft Story" aux talk-shows de Jean-Luc Delarue, "disent +non+ au pouvoir venu d'en haut, il faut que les vrais gens apparaissent", précise-t-il.
Mais ce dispositif, selon François Jost, est "démagogique" car il manque un professionnel qui sache relancer sur les bonnes questions ou mettre un candidat face à ses contradictions.    
Lundi, le directeur de l'information de TF1 Robert Namias avait défendu son émission. "Depuis des années, les journalistes ont écrit des milliers de papiers (...) pour souligner la déconnexion entre le monde politique et la réalité sociale. Si (cette émission: ndlr) est un moyen parmi d'autres de renouer le dialogue, c'est un travail politique que l'on fait", avait-il déclaré sur RMC.
Pour M. Jost, recourir aux témoins, "c'est donner une fausse idée de la démocratie". "C'est faire comme si la démocratie était une somme de petites situations particulières alors que la politique est en fait ce qui touche le général".
"C'est la démocratie des petits +moi, je+: les gens posent leurs questions en fonction de leurs petits problèmes"
, déclare Marc Abélès, de l'Ecole des hautes études en sciences sociales dans un entretien à Libération paru mardi.