entretiens du CES

mardi 20 mai 2008 08:30 par MV    Metz

Le monde selon Juillet.

Changement de focale lors du dernier Entretien du CES. Roger Cayzelle avait convié le grand patron de l’intelligence économique en France. Sur fond de mondialisation et de lutte économique, Alain Juillet a livré un exposé brillant. La guerre globale n’a-t-elle pas commencé ?

Intelligence économique : n.f., origine contemporaine. Désigne le fait de maîtriser et de protéger l’information utile pour les décideurs. Cette définition ne figure pas encore dans tous les dictionnaires. Mais elle y sera très prochainement à l’heure où de nouvelles règles du jeu se mettent en place à toute vitesse dans une compétition économique qui se joue à l’échelle planétaire. Et c’est une logique guerrière que les entreprises doivent désormais appliquer pour aller capter de nouveaux marchés, pour répondre aux attaques économiques dont elles peuvent faire l’objet.

En substance, c’est le contenu de la remarquable intervention effectuée par Alain Juillet, répondant à l’invitation du Conseil économique et social de Lorraine. Après une carrière dans les filières export de grandes entreprises et à la tête des services secrets français, ce spécialiste du renseignement a été nommé en 2003 haut responsable chargé de l’intelligence économique. Depuis, il organise son agenda entre développement de ce  savoir-faire innovant et interventions effectuées dans différents hémicycles. Le monde selon Juillet est un monde de combat. « Aujourd’hui, nous nous battons encore à fleuret moucheté avec quinze autres pays occidentaux. D’ici quelques années, le modèle qui va se généraliser sera une compétition se jouera avec des pays qui vont nous prendre de la croissance. Nous, Européens et Français, risquons d’afficher une croissance négative. Si c’est le cas, nous mourrons. » Pour y répondre, trois mots d’ordre : recherche, investissement et capacité de remise en cause.

95% des infos disponibles
Comme l’explique Juillet, « il est tout d’abord nécessaire d’apprendre à maîtriser le cycle traditionnel du renseignement. » Un cycle qui se décompose en plusieurs temps. Le premier concerne la prospective, à savoir dessiner les contours des évolutions à venir dans un futur proche et inventer de nouvelles solutions pour y répondre. Le second temps concerne la collecte de l’information. « 95% des informations sont disponibles pour celui qui sait aller les chercher par des moyens classiques », affirme Alain Juillet. Consultation de bases de données, d’Internet bien sûr. « La seule limite actuelle de cette technologie concerne la barrière de la langue d’où l’importance des systèmes de traduction automatique. » Une collecte qui passe également par la  mise au point de logiciels qui déterminent les informations à aller rechercher pour comprendre les options stratégiques des concurrents.

domestiquer la rumeur
Dernière phase, qui représente « une nouveauté fondamentale », celle concernant l’affluence. Pour l’illustrer, Alain Juillet donne l’exemple de la dernière guerre en Irak. « D’un point de vue militaire, il s’agit d’un remarquable succès. » Mais sur le terrain de l’opinion publique, « les forces américaines sont passées d’un statut d’armée de libération à celui d’armée d’occupation. » Une logique d’attaque sur l’affluence basée sur un système actuel où « 20% des informations qui sont lues tous les jours sont fausses ».
« Nous sommes au début d’une mutation profonde qui doit permettre aux entreprises d’être plus efficaces. » D’où la nécessité de convaincre mais aussi de mettre en place des filières de formation spécifique. Comme ce master en intelligence économique proposé à l’université nancéienne. « Aujourd’hui, nous avons entre 600 et 700 étudiants qui suivent cette formation en France. Il me paraît également important d’assurer une formation continue à tous les responsables d’entreprise. »