quelques cygnes et puis s’envolent

jeudi 12 juillet 2007 12:00 par MV    Metz

On les avait pourtant bien méritées ces quelques semaines de vacances. Après le marathon de la campagne présidentielle, le blitzkrieg des législatives, la mise en route du TGV, les foulées sarkozyennes chacun pensait pouvoir souffler un peu. Se gaver d'activités estivales à haute valeur cérébrale : faire du sport, relire la poésie de Maurice Carême. Tenter de comprendre les règles de Secret Story ou se goinfrer de chips,  avachi sur son canapé, en regardant les maigres repas des candidats de Koh Lanta.
Bien calé dans les premiers jours de juillet, le pilote automatique déjà enclenché, on pensait n'avoir à compter que les moments nous séparant encore de nos vacances. Et puis,  d'un coup de projecteur médiatique, voilà le retour de la grippe aviaire. Fin juin, trois cygnes sont retrouvés morts à trois kilomètres d'Assenoncourt. Quelques jours d'incertitude, le temps des analyses, et les résultats tombent. Le H5N1 est bien chez nous, en Moselle. Les journalistes se rendent sur place, veulent voir le lac où ont été retrouvés les animaux morts, interrogent les paysans du secteur. Veulent comprendre avec leurs petits pas et leurs grosses caméras.  On fouille dans leurs images, à la recherche de toute la mythologie des menaces de pandémie : cordons de gendarmes barrant les routes d'accès, élevages désertés car placés en quarantaine, services vétérinaires en tenue de cosmonaute. Le temps d'une grippe aviaire, la Moselle risquait-elle de devenir le centre du monde ?
Simplement la mayonnaise ne prend pas. Pas de peur collective sur l'horizon lorrain. Les seules vues proposées sont celles d'un pays de Sarrebourg au charme rural et aquatique, de services de l'Etat en chasuble fluo effectuant du porte-à-porte pour distribuer des consignes individuelles. Quant aux paysans interrogés, ils semblent plutôt sereins alors que l'œil de la caméra scrute, cherche un regard chargé d'angoisse… Que pouic. Dans les prés ? Colchique !
Sur l'échelle des émotions collectives, la grippe aviaire ne rapporte plus cette fois. A l'heure du culte de l'image et de l'immédiateté, priorité aux sensations, à la bonne vibration. Et le H5N1 a comme un air de déjà vu. Alors, il ne tient le haut de l'affiche que quelques jours, avant que ne ressurgisse la providence Clearstream. C'est déjà elle qui, en 2006, avait enrayé la psychose liée à la grippe aviaire. Clearstream, une affaire idéale, qui mélange guerre des pouvoirs, mondialisation financière et théorie du complot. Manque juste à l'appel une Mata-Hari style Christine Deviers-Joncour pour que le tableau soit parfait. Nouvel épisode Clearstream avec la perquisition au domicile de l'ancien Premier ministre. L'ordinateur bavard d'un général des services secrets, en théorie discret mais plutôt distrait, incrimine Dominique de Villepin, ce flamboyant qui croit tellement en son destin qu'il l'attend plutôt que de le construire. Et par lui, on évoque le nom de l'ancien chef de l'Etat.
De la perquisition, on voit surtout la nuée de photographes massée sur un trottoir en face d'un immeuble parisien du XVIIe arrondissement. De la perquisition, on nous dit que les juges ont fait buisson creux. Finalement pas grand-chose à se mettre sous la dent. Entre 2006 et 2007, un des protagonistes de l'affaire, Nicolas Sarkozy, est devenu président. Changement de lignes qui pousse à la prudence.
Et pendant ce temps-là, à Assenoncourt ? On s'en fout, c'est plus dans la télé… c'est juste dans la réalité.