Les enfants face aux écrans

mercredi 14 novembre 2007 17:10 par Frédérique PRIS    

... quel danger ?

Face à la multiplication des écrans qui envahissent la vie quotidienne des enfants, les parents, les psychologues mais aussi les concepteurs de jeux vidéo et les dirigeants de groupes média s'interrogent sur les dangers réels ou fantasmés de ces technologies.
 
"Quand on parle d'écran, on pense à la télévision. Mais les enfants ont aujourd'hui cinq écrans: télé, cinéma, ordinateur, téléphone mobile et console de jeux vidéo",
a déclaré Didier Quillot, patron de Lagardère active, dont la chaîne Gulli organisait cette semaine un colloque sur le thème "Enfants, écrans, qui dévore qui?".

"Nos enfants naissent dans une société multi-écrans" et le temps qu'ils passent devant un écran, estimé par M. Quillot à six heures par jour en moyenne, "ne diminuera pas". "Est-ce que cela peut être dangereux? La réponse est +oui+".

L'influence des écrans sur les enfants "est un sujet de préoccupation récurrente", a rappelé Elisabeth Baton-Hervé, docteur en sciences de l'informations et chargée de mission à l'Union nationale des associations familiales. La première émission télévisée pour les enfants en 1949, "Les aventures de Televisus", avait déjà été vivement critiquée pour sa "niaiserie".

C'est ensuite la violence de certains programmes jeunesse qui est montrée du doigt. "Une surenchère stoppée grâce à la mobilisation publique", selon la chercheuse.
"Le problème est aujourd'hui celui de la place prise par les annonceurs"
, a-t-elle ajouté, estimant que l'arrivée de "Club Dorothée" en 1987 sur TF1 avait marqué "une rationalisation marchande sans précédent des programmes jeunesse".

Mais c'est face aux écrans les plus récents, internet et jeux vidéo, que les parents se sentent le moins à l'aise face à des enfants maîtrisant sans peine les double clic et les manettes.
L'éthnologue Walter Detomasi, qui travaille sur une étude pour Gulli, a noté "l'attitude ambivalente" des parents. Ils pensent que ces écrans comportent de nombreux risques, tels qu'exposer l'enfant à une violence excessive. Mais les écrans sont aussi pour eux "un signe de modernité" et l'aisance de leur enfant à utiliser les écrans détermine, selon les parents, "sa capacité future à s'adapter au monde moderne".

Des intervenants ont appelé à ne pas décrédibiliser le rôle des parents sous prétexte qu'ils ne maîtrisent pas ces nouvelles technologies, car ce sont eux qui possèdent la maturité psychologique nécessaire pour guider leurs enfants. Mme Baton-Hervé a parlé de "coresponsabilité": celle des parents et celle des concepteurs de programmes télévisés ou de jeux de vidéo.

Autant que la violence, les parents redoutent le caractère chronophage des jeux vidéo. Poussé à l'extrême, cela donne les "no-life", adolescents ou jeunes adultes qui passent le plus clair de leur temps sur des jeux, souvent en réseau.

Nicolas Gaume, créateur de jeux vidéo, se pose "forcément la question de l'addiction", à laquelle il répond en s'appuyant sur le bon sens et des valeurs. Frédérique Doumic, Pdg de Ouat Entertainment (produits multi-médias) veut proposer des jeux à durée limitée. Le psychologue Michaël Stora évoque la possibilité de rendre les personnages plus lents au bout de trois heures de jeux.

Ces jeux sont "un nouvel enjeu de l'autorité parentale" et les parents doivent poser des limites, a déclaré le psychologue. Mais attention à ne pas tomber dans la caricature de "l'autiste obèse avec un doigt hypertrophié".

"Plus on diabolise cette culture, plus les adolescents sont séduits, dans une société où il y a de moins en moins de lieux de transgression"
, a-t-il estimé.