Metz, Nancy, Epinal et Luxembourg

jeudi 12 juin 2008 11:20 par la Semaine Numérique    Metz

Où en est la presse quotidienne ?

Les vingt ans qui ont tout changé ! Ce 26 juin, la prise de contrôle majoritaire de L'Est Républicain et du groupe Ebra (journaux de l'Est et du pôle Rhône-Alpes) par le Crédit Mutuel devrait marquer la disparition d'un paysage médiatique issu d'une histoire plus que centenaire. Un espace marqué pendant des décennies dans nos régions par la concurrence entre le journal de Nancy (L'Est Républicain né en 1889 au capital fractionné mais à l'identité culturelle restée très forte), celui de Metz (Le Républicain Lorrain, une aventure personnelle et familiale débutée en 1919 par Victor Demange et qui s'est achevée en tant que telle l'an dernier) et Les Dernières Nouvelles d'Alsace à Strasbourg.  

L'Est avait racheté les DNA. Le Crédit Mutuel a racheté les trois protagonistes et bien d'autres encore.
Un an et demi après le Républicain Lorrain, c'est l'Est Républicain (qui avait racheté les DNA)  qui devrait tomber dans l'escarcelle du Crédit Mutuel. Gérard Lignac, le PDG devrait encore garder 70 % des droits de vote mais l'homme fort sera le banquier Michel Lucas.

Il ne s'agit pas d'une surprise puisque cette banque détenait 49% du capital du groupe Ebra mis sur pied par L'Est et le Crédit Mutuel afin de partir à la conquête des journaux de la région Rhône-Alpes (Le Progrès et Le Dauphiné Libéré notamment). La banque était aussi le principal créancier d'un actionnaire majoritaire lui-même un peu coincé. N'empêche que le passage est symboliquement important et marque la fin d'une indépendance entrepreneuriale fièrement affichée pendant si longtemps.

monolithisme de la presse écrite
Le temps  des  grandes manoeuvres de rationalisation de l'outil ne devrait pas tarder. Les Vosges où cohabitaient jusqu'ici une dernière édition de L'Est Républicain et La Liberté de l'Est en fournissent un exemple depuis quelques jours. Le RL, où la déflation d'effectifs et le regroupement des éditions est plus que jamais d'actualité, en est un autre.
Demain se posera la question du grand centre d'impression. Du ou des projets rédactionnels aussi. « La banque à qui parler » c'est-à-dire le Crédit Mutuel, était restée jusqu'ici assez discrète sur ce sujet garantissant les indépendances et les pluralismes. Pas sûr que la nouvelle donne ne finisse par susciter des comportements nouveaux. La discrétion du RL par rapport à ce qui se passe en ce moment à Nancy comme à l'époque par rapport à ce qui se passait chez lui est assez éclairante. Se posera aussi la question d'une revente totale ou partielle une fois que gains de rationalisation auront été faits.

les atouts du Luxembourg
Curieusement, face à ce monolithisme de la presse écrite dans le grand nord-est de la France (le premier voisin redevenu concurrent est Philippe Hersant à L'Union de Reims) on assiste depuis quelques années au Luxembourg à une multiplication des titres. Situation économique privilégiée certes, politique d'aide à la presse sans commune mesure à ce qui peut se faire en France, assurément, mais aussi résultante d'une bourre que se tirent les deux groupes Saint-Paul (plutôt catholique conservateur) et Editpress (social démocrate).
Leurs éditions historiques germanophones Wort et Tageblatt se sont vu complétées par deux quotidiens en langue française La Voix et Le Quotidien après le retrait de l'édition luxembourgeoise du RL. Aujourd'hui s'y ajoutent, toujours pour les deux même groupes, deux quotidiens gratuits Point.24 et L'Essentiel. Ce dernier réalisé par Editpress en collaboration avec le groupe qui édite 20 Minutes en Suisse affiche même un taux de pénétration triomphaliste moins de huit mois après son lancement.