infirmières toujours, au chevet de la Bulgarie

mardi 14 octobre 2008

On les avait quittées sur un tarmac d’aéroport entre Nicolas Sarkozy, Cécilia, et une poignée de diplomates, vedettes malgré elles d’un scénario cauchemar qui les a plongées au cœur d’une machination judiciaire puis d’un dénouement polémique avec le colonel Kadhafi.
Après huit ans d’horreur des prisons libyennes et à peine plus d’un an de liberté, elles se consacrent toujours aux autres en assurant en Lorraine la promotion d’un livre de photographies sur la Bulgarie, réalisé par un jeune Rombasien, et vendu par le Rotary au profit des orphelinats du pays.

Nassya, Cristiana, Vallya et Valentina, quatre des cinq infirmières bulgares, présentes à Rombas pour l’expo photo consacrée à la Bulgarie.  

« Mesdames, comment allez-vous ? » Poser la question c’est presque demander avec impudeur comment se remet-on de huit ans d’enfermement, de tortures, d’accusations calomnieuses et de menaces d’exécution. Nassya se lance la première « La liberté ce n’est pas ce que j’imaginais. C’est difficile, après huit ans d’isolement, de se remettre dans le cadre de la vie. Encore aujourd’hui je cherche. » Valentina a tourné la page plus vite, avec plus d’entrain : « J’ai mis six mois pour m’adapter à la vie libre. Puis j’ai décidé de faire quelque chose d’utile, en allant travailler à la clinique pour enfants de Pasadjik.  Je me sens bien, et beaucoup de monde me soutient, des amis et la famille, je regarde vers l’avenir. » Vallya a repris sa vie de bien avant « Je retravaille au même endroit qu’il y a 10 ans. Mes collègues infirmières m’ont beaucoup aidée. Mais la Bulgarie est très pauvre, la vie y est difficile. Je suis quand même heureuse d’être en liberté, et de profiter des enfants et de ma famille. » Enfin Cristiana, la plus bronzée et la plus souriante, est heureuse de raconter en anglais sa nouvelle vie : « J’ai démarré de nouvelles études pour exercer un nouveau métier, kinésithérapeute. Cela va prendre trois ans, et me permettra de progresser, et de gagner plus. »
Leur détention, elles préfèrent ne pas revenir dessus. Quant aux circonstances de leur libération, elles y portent un jugement aussi ému que lucide.

Face à Cécilia
« Quand Cécilia [ex-Sarkozy] est venue nous rendre visite en prison en nous jurant qu’elle nous ferait sortir de là, on avait du mal à y croire, mais elle avait l’air si déterminée, et c’est arrivé quelques jours après. C’était formidable.» Mais de nuancer aussitôt, façon réalisme slave « Elle a été la bonne personne, au bon moment, au bon endroit. En diplomatie, il n’y a pas d’amitiés, il n’y a que des intérêts. »

Au départ, dans les années 90, il y a juste la volonté individuelle de plusieurs femmes de gagner un peu plus d’argent en partant travailler dans des hôpitaux libyens, puis ces femmes qui ne se connaissent pas se trouvent unies en cellule en 1999 lorsque éclate un scandale de contamination du sida, certainement due aux conditions déplorables d’hygiène dans ces hôpitaux, rapportées par plusieurs médecins. S’en suivent de longues années sans procès, et l’année 2004, cruciale, rapporte Valentina « Il y avait en même temps le procès des attentats de Lockerby, et nous savions que si les accusés ne sortaient pas libres, nous non plus. » Et enfin les procès, la médiatisation, la diplomatie européenne, et la libération.

Et puis il a fallu assumer une notoriété aussi soudaine que non désirée. Faire avec des médias locaux manquant parfois du plus élémentaire tact, accepter les embrassades soudaines dans les rues de Sofia, et mettre cette célébrité au service de causes humanitaires. Ensemble elles ont créé une fondation baptisée 6 mai 2004, jour de leur condamnation à mort en Libye. Leur but : aider les autres, en souffrance, les enfants surtout, leur trouver une formation, puis un emploi. « Nous avons aidé les gens toute notre vie. Même en prison nous avons aidé des femmes à accoucher. »

C’est pourquoi elles ont répond positivement à l’appel de plusieurs associations de la région qui s’intéressent aux orphelinats de Bulgarie, avec en première ligne les enfants d’Hippocrate, qui avaient milité activement pour leur libération, l’amitié médicale franco-bulgare, et le Rotary qui ont ensemble réuni 17.000 euros. Mais ce n’est pas assez, tant les besoins sont grands : 10.000 enfants orphelins ou abandonnés, des infrastructures défaillantes, comme en témoigne Jacques Schneider, qui en a visité esbon nombre pour alimenter son livre baptisé « Foto », en vente pour 25 euros : « Tous ont vécu un drame personnel, mais témoignent d’une sacrée envie de vivre et de s’en sortir. Ici l’orphelinat est à 1500 mètres d’altitude, et il n’y a pas de chauffage. Là l’institut est spécialisé pour enfants handicapés, mais faute de moyens ils sont remis à un orphelinat classique dès l’âge de 5 ans. »

Le livre est en vente à Rombas chez Photo Martino, à Metz-Augny chez Meubles Jacob, jeudi de 15h à 18h librairie Hisler-Even, vendredi de 14h à 16h30 au magasin Printemps, Metz, de 10h à 12h au Beffroi, à Thionville. Les infirmières seront en outre reçues officiellement par les élus de Metz, Thionville et Nancy.

  1. luxokikouyou écrit: (19/10/2008 17:27:13 GMT)
    infirmières toujours, au chevet de la Bulgarie

    Après la lecture d'un tel article on se sent tellement privilegié de n'avoir pas eu à vivre une telle experience de vie de femme. Grande leçon qui donne envie d'utiliser toujours plus notre droit de construire, de progresser et de débattre de tout.

    Envie de transmettre mon soutient morale à ces femmes. Tant de sacrifices.. Pourvu qu'on les écoute, qu'on leur donne les moyens de sexprimer , vivre le plus sereinement possible...

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