mort du cardinal Lustiger

lundi 13 août 2007 07:30 par Frédéric Niedzielski    

fascinante destinée.

L'émotion suscitée par la disparition de Monseigneur Jean-Marie Lustiger va au-delà de la communauté chrétienne catholique.  Et il est légitime de s'interroger sur les raisons pour lesquelles  le décès de l'ancien archevêque de Paris suscite autant de commentaires. Une question à laquelle Frédéric Niedzielski un Messin, qui  fut entre 1970 et 1994 diplomate en Pologne, conseiller à l'ambassade de France à Varsovie puis consul de France à Cracovie apporte quelques réponses et analyses.  Il lui avait été donné de rencontrer à plusieurs reprises Monseigneur Mahrarski, archevêque de Cracovie, successeur dans cette fonction de Jean-Paul II et ami de Jean-Marie Lustiger.


Monseigneur Lustiger symbolise une épopée faite de douleur et d'effroi. Aaron Lustiger naît le 17 septembre 1926 à Paris de parents juifs polonais. Une famille dont il aimait  rappeler que, si elle était marquée par sa judéité, elle n'était aucunement religieuse. Son père est mobilisé dès le début des hostilités. Sa mère envoie le jeune Aaron et sa soeur à Orléans afin qu'ils y poursuivent leurs études.

En 1940 Aaron Lustiger se convertit au catholicisme après avoir découvert la Bible protestante à l'âge de douze ans. Baptisé, il choisit de se prénommer Jean-Marie. Contrairement à ce qui a été dit par beaucoup, écrit par certains, y compris des ecclésiastiques, l'histoire de cette conversion est à la fois banale et  merveilleusement belle : " je suis entré dans la cathédrale d'Orléans qui était sur le chemin quotidien du lycée " écrit-il en 1987 dans le " Choix de Dieu " (Edition de Fallois). " Je suis resté grandement saisi […] j'ai pensé, je veux être baptisé […] j'ai averti mes parents. Une scène extrêmement douloureuse, parfaitement insupportable ". De cette conversion on ne saura jamais rien de plus. De Monseigneur Lustiger nous retiendrons que la vérité réveille quelquefois d'étonnantes singularités et de fascinantes destinées.

" Tout est ouvert à Dieu "

En second lieu il est utile de dire que peu d'hommes auront, à l'instar de Jean-Marie Lustiger, saisi tout au long de leur vie autant d'instants d'éternité. Ordonné prêtre en 1954, il fut l'aumônier des étudiants de la Sorbonne. Evêque d'Orléans en 1979, le pape Jean-Paul II le nomme archevêque de Paris puis cardinal en 1983. Homme de tradition et de compassion Lustiger est également un homme de raison. Parlant le langage de la raison, il a fait entrer l'Eglise catholique française dans l'ère de la modernité. S'agissant par exemple de l'usage du préservatif et de la contraception son discours était ouvert au dialogue et à la compréhension. Tout " est ouvert à Dieu " est sa devise d'évêque et sans doute sa règle de vie. Novateur, réformateur il fut à l'origine de la fondation d'une faculté de théologie indépendante, distincte des officines traditionnelles mais pas moins rigoureuse pour autant.  

De Monseigneur Lustiger il faut surtout, de mon point de vue, retenir la dimension d'homme public, d'homme de culture. Non pas ce verni de connaissance qui altère l'essentiel, mais  cette conviction inaltérable qui conduit à croire que pour celui qui sait agir, dire et faire à bon escient, tout est raisonnable et possible. Qui oserait affirmer comme le fit Lustiger, en réponse à une question  posée par Théo Klein ancien président du CRIF à propos de sa judéité : " je n'ai jamais cessé d'être juif " ? Qui aurait osé comme lui, soutenir contre vent et marée la refonte de la maîtrise de la cathédrale de Paris, permettant à l'art moderne de trouver un droit d'asile dans le temple du classicisme baroque et vieillissant ?

Ecoutant les hommages des uns et des autres nous devons  rappeler, que trop peu nombreux sont ceux qui osent  dire, à l'instar du Grand Rabbin Sitruk et de Monseigneur Lustiger, que la foi transcende la représentation que l'on se fait de Dieu. La foi va au-delà de l'appartenance à une religion. Elu à l'Académie française en 1995 Lustiger eut ce mot : " C'est le signe d'une reconnaissance quasi unanime du rôle de l'Eglise comme composante de notre culture ". Il n'ira pas au-delà. Pour cet homme d'exception, il ne faisait aucun doute que la laïcité est l'indispensable corollaire du religieux. Dans un Etat de droit le spirituel ne peut et ne doit se substituer au caractère régalien de l'Etat de droit. Dans l'espace temporel, le gouvernement des âmes et des consciences est une " chose.  La gestion de l'Etat en est une autre.C'est parce que Monseigneur Lustiger ne s'est jamais départi de cette règle que nous pouvons affirmer qu'il fut un homme de foi, un homme de droit, un homme de Dieu. "