comme si de rien n’était

jeudi 10 juillet 2008 08:00 par JPJ    Metz

«  Ce sont les attitudes qui vous rendent esclave.  Lorsque j’étais là bas, j’ai compris que si j’arrivais à retrouver la liberté  il faudrait que je sois libre de tout, même du sentiment de vengeance ... » .
Jeudi soir sur les écrans du journal de France 2,  la voix comme le regard, l’attitude comme l’écoute d’Ingrid Betancourt , ses phrases, la construction de sa pensée avaient quelque chose de fascinant.  On la pensait  éteinte et voici qu’elle illumine.  On l’imaginait chancelante et voici qu’elle surgit. On lui tendait un bras secourable et c’est elle nous fait traverser.
Ce sont, dira-t-elle dans quelques instants,  « les mots corrects pour les sentiments corrects » qui l’ont aidée  à survivre et à se respecter. La démonstration est éclatante au point d’en être troublante.  Depuis près de 24 heures on ne parle que d’elle et de sa libération. Depuis six ans il n’a été souvent question que d’elle et de sa captivité.  De sa santé.  De cette aura qui s’est attachée un jour à son image de jeune femme puis est devenue inhérente à sa personne, à son histoire bien avant qu’elle ne rejoigne le rang des victimes. Elle est faite de  l’étoffe  des héros, elle est de cette chair qui nous les fait aimer même si, pour avoir vu certains de nos enthousiasmes douchés avec le temps, nous avons pris l’habitude de nous méfier. De nous prévenir contre les déceptions et les aléas de  l’histoire.
Rien de cela pour l’heure.  On mesure à chaque seconde le caractère d’exception de ce moment, de  cet instant arraché.  Dans l’interview que David Pujadas mène en direct depuis la Colombie Ingrid Betancourt nous dit encore que ce sont les paroles et les signes d’amour transmis par les siens qui lui ont permis «  de ne jamais oublier ce qu’elle avait été ». Elle ne semble pas fatiguée ? «  il n’y a aucune fatigue dans la liberté ». Il y a cette jouissance qu’elle oppose à la captivité qui n’était qu’un «lugubre gaspillage du temps, à cette vie qui n’était  plus la vie ».
L’état de grâce semblera  s’estomper un peu dès le lendemain quand  Ingrid Betancourt  deviendra politique et people, rendant plus précisément leur part de sa  gloire à ses interlocuteurs.  L’interview sur TF1 ce vendredi soir se traîne. La chaine amortit la présence de l’icône et  l’étire à souhait. Micro reportages entre chaque question. Claire Chazal « rame »,  comme souvent dans ces exercices. Surtout quand elle est en présence d’une femme. Ses questions n’en sont plus, les mots restent en suspens, du coup les réponses semblent usées. Dans le match qui oppose l’info du service public à celle du privé, le compte n’est pas bon pour les deuxièmes cette fois.  Et PPDA qui prépare sa sortie. Et l’ombre de Sarko, dit-on, qui aurait plus que jamais les choses en main. Et Ségo qui va nous faire croire dans quelques jours que son cambriolage aussi est suspect. Allez vous en sortir de cette jungle là !
En attendant, sur le tarmac de l’aéroport , Ingrid Betancourt a pris la main du président. Main d’une combattante de la liberté dans la main d’un homme politiquement et profondément heureux mais qui, quelques heures plus tard,  se réjouira hilare du fait que les grèves en France, « on ne les voit plus ».
Je suis souvent exaspéré par les grèves-chantage avec prise d’otages les jours de plus grande gêne… mais je  trouve choquant qu’un président de la République ricane sur ce sujet devant des troupes partisanes. Et je me dis qu’aujourd’hui c’est les grèves qu’on ne voit plus, demain ce sera peut être la diversité d’opinion.

« Comme si de rien n’était »  susurre Carla sur son nouvel album. Alors vigilance.

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