Soyez sympas, rembobinez !

mercredi 12 mars 2008 10:20 par Fernand-Joseph Meyer    

de Michel Gondry
avec Jack Black, Mos Def, Danny Glover, Melonie Diaz, Mia Farrow, Sigourney Weaver.

Le titre français exhale des odeurs de Philippe Clair, le pape gaulois  du nanar pompidolien, et il rate la traduction de ce qui est un slogan  très musical que tous les usagers des vidéo-clubs américains  connaissent : “Be Kind, Rewind”. A Paissac (New Jersey), pas loin de  Manhattan, là où est né le jazzman Fats Waller, la boutique tenue par  Mr. Fletcher subit la crise car le format VHS est menacé par le DVD.  Mike et Jerry, ses deux employés, sont des cinéphages complètement  allumés. Mike remplace au pied levé le patron qui part enquêter dans  les supermarchés culturels pour rénover son commerce. Jerry, barjot  obsédé par les complots, attaque une centrale électrique, tout foire et  il se retrouve chargé d’ondes électriques. Catastrophe ! À son contact, toutes les cassettes sont vidées et on n’y voit que de  la neige. Les clients râlent. Les deux comparses s’en sortent en  “suédant” les cassettes...

C’est l’idée de génie de Michel Gondry, le plus américain des  cinéastes français qui travaille rarement en France (sauf “La Science  des rêves”). “Suéder” les films, c’est les refaire. Tous les grands  succès (“S.O.S. Fantômes”, “King Kong”, “When We Were Kings”, “Miss  Daisy et son chauffeur”, “Robocop”, “Carrie” et même “Les Parapluies de  Cherbourg”) y passent, le succès est colossal. Le mot “suéder”, sans  rapport avec la suédine, a été inventé pour les besoins de la cause.  Bricolage et bidouillage, système D et humour frappadingue, voilà les  secrets de fabrication. Michel Gondry fonctionne pareillement. On rit et l’émotion gagne puisque les films suédés rassemblent tout un  quartier qui, menacé par les opérations immobilières, défend le  commerce de proximité, redécouvre la magie du cinéma des origines et  fait la nique au cinéma industriel. C’est une surprise bienheureuse. Si  on a peiné avec “Eternal Sunshine Of The Spotless Mind” ou “Human  Nature”, les précédents films de Michel Gondry, on est complètement  synchrone avec “Soyez sympas...”. Les parodies sont craquantes, le rythme  est insensé et les messages n’ont rien de rasoir. La nostalgie  et la  tendresse y rajoutent juste ce qu’il faut de supplément d’âme bien  frappée : réunir tous les publics sans basculer dans le consensus mou  ou l’élitisme malingre et démontrer par la même occasion qu’un film de  cinéma, c’est autre chose que le produit dérivé d’un pack de frites ou  de chips.