un secret

jeudi 11 octobre 2007 11:16 par Fernand-Joseph Meyer    

de Claude Miller
avec Ludivine Sagnier, Patrick Bruel, Julie Depardieu, Cécile de France, Mathieu Amalric.

« Fils unique, j'ai longtemps eu un frère, je l'ai inventé pour moi tout seul, j'ai marché dans son ombre, je flottais dans son empreinte...». François a huit ans. Nous sommes en 1955, à Paris. Dans un vestiaire, il se regarde dans un miroir taché qui réfléchit son corps chétif. Ses parents, Maxime et Tania, sont de splendides athlètes. La voisine Louise, kinésithérapeute experte,  le soigne et l'écoute.
François essaie d'imaginer le passé de ses parents et de composer avec ce frère imaginaire qui hante ses nuits. Lorsqu'il a quinze ans, Louise lui dévoile une partie d'un secret familial. L'histoire se reconstitue progressivement. Le roman familial commence en 1936 quand Maxime épouse Hannah...

Le scénario n'a qu'une apparente structure éclatée car, très rapidement, au fil des séquences, on partage avec ferveur l'existence de personnages attachants que bouscule l'Histoire depuis le Front Populaire jusqu'à la guerre toute proche, l'occupation allemande et l'Holocauste. Le film est inspiré du roman autobiographique de Philippe Grimbert. On a beau l'avoir lu, on ne résiste guère à la force émotionnelle qui émane d'“Un secret”. On vibre avec les personnages, on partage leur obstination, leur résistance et leur dur désir de vivre.
Les cinq époques du scénario se relaient sans heurt, liées par la voix off de François adulte qui, sous les traits de Mathieu Amalric, clôture l'histoire.

Si le secret  dévoilé petit à petit nous accroche sans faiblir, on est aussi passionné par la finesse avec laquelle Claude Miller peint les caractères : celui de François qui se construit une identité vivable et un corps épanoui ou celui de son père Maxime (joué par un surprenant Patrick Bruel) qui se forge un corps solaire et une autre identité pour nier l'ostracisme généré par l'antisémitisme ambiant. Le cinéaste nous conduit au cœur du secret, là où se cognent le désir de paraître et celui d'être. Les acteurs l'épaulent avec générosité. Ludivine Sagnier et Cécile de France renouvellent leur talent. Julie Depardieu allie lucidité et hardiesse. “Un secret” nous rappelle que Claude Miller reste précieux pour le cinéma français. Faisons-nous encore davantage de plaisir avec la lecture de “Serrer sa chance”, son livre d'entretiens qui vient juste de paraître (chez Stock) et où il décline d'autres secrets essentiels pour apprécier son œuvre.