derrière la montagne

jeudi 6 septembre 2007

" Ces hommes jouent gros. Pas leur existence mais, plus grave, l'idée qu'ils s'en sont faite ". Yasmina Reza  parle des hommes politiques. Des candidats à la présidentielle plus précisément. De Nicolas Sarkozy en particulier. Dans la chambre d'étudiant du campus HEC à Jouy-en-Josas où je suis hébergé pour l'université d'été du Medef,  dans cet environnement à la fois spartiate mais plein de tendresse mélancolique pour quiconque a passé le cap de la cinquantaine, dans le bâtiment D  d'une cité qui semble à la fois hors du temps et de tout repère géographique conventionnel, ses mots ont, ce jeudi soir,  une résonance particulière.
Son bouquin, je m'étais promis de ne pas l'acheter. Un peu marre de cette avalanche d'articles et d'interviews au cours des dernières semaines sur les secrets  du Président élu et de l'auteur reconnu. Un peu fatigué de ce système qui, quoi qu'on fasse, quoi qu'on dise, vous ramène toujours à Sarko. Et auquel directement je contribue. Je ne sais pas si d'autres périodes ou d'autres hommes ont connu ce degré de polarisation en dehors des grands cataclysmes bien sûr. De Gaulle peut être… mais il y avait l'excuse de la guerre d'Algérie. Des événements si vous préférez. De la constitution aussi.

Bref, j'avais envie de souffler un peu, de changer d'air.
Seulement voilà. Quelques heures auparavant, à une centaine de mètres de là sous un immense chapiteau,  Nicolas Sarkozy  était venu faire devant plus de 4 000 patrons un numéro de charme et d'équilibriste aussi époustouflant que celui qui avait lancé sa campagne à la Porte de Versailles en janvier dernier. Une performance au sens artistique et anglo-saxon du terme. Une prestation qui, lorsqu'elle est vécue autrement que par le filtre des petites phrases et des moyens extraits à la télé, des commentaires et des aigreurs souvent pré positionnées dans les journaux  vous amène à essayer, par tous les moyens,  de comprendre ce bonhomme.
Alors, allons-y pour Reza !.

" Il n'y a pas de lieux dans la tragédie "… écrit la romancière dramaturge dans l'ouvrage inspiré par son année de campagne sur les talons de Sarkozy. Il n'y a pas d'heures non plus. C'est " l'aube, le soir ou la nuit ". D'où le titre du livre paru chez Flammarion. Et on s'y promène avec un appétit  qu'on n'imaginait plus. De chapitres courts en phrases brèves, de jour comme de nuit, de commentaires esquissés en traits acérés. Dans les villes et les avions, dans les bureaux et les loges. Un journalisme au présent qui se moque des journalistes mais qui aurait simplement pris le temps. Des espaces entre les mots. Des idées entre les lignes. Des jugements récurrents sur ces monstres politiques qui prétendent  vivre l'oubli de soi  " alors qu'ils vivent  l'obsession d'eux-mêmes et l'inévitable oubli des autres ". Malgré cela la distance entre l'auteur et le sujet fond à vue d'oeil. " Ce qui me touche chez cet homme, c'est qu'il  fait tout ce qu'il peut...  A fond. Il ne croit pas que le ciel l'aidera " analyse Yasmina Reza.  Et la phase de nostalgie, souvent liée à  l'objectif atteint, s'installe assez vite. Les dernières pages se précipitent. On sent confusément que  ce livre  n'est pas fini.  Ni pour le lecteur, ni pour  l'auteur. Et guère plus pour son sujet dont le destin est " de partir de tout en bas pour aller tout en haut ". " Existe-t-il dans la vie humaine  un espace qui s'appelle en haut "  se demande Yasmina Reza. " Quel désenchantement si cela était " . Et elle conclut : " Derrière la montagne il y a surtout la mémoire du temps des prodiges… et il n'est même pas sûr qu'il y ait quoi  que ce soit ".

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