Quelque chose comme une île...

jeudi 5 juillet 2007

Le store rouge est pimpant mais plutôt modeste. L'étroite vitrine n'a jamais eu l'arrogance des grandes chevauchées du marketing ou de la distribution. Depuis plus de 30 ans, la boucherie d'Antoine et Marie-Thérèse Cotti, rue de Pont-à-Mousson à Montigny-lès-Metz est l'un de ces espaces que seuls les artisans savent cultiver pour en faire à la fois leur propre jardin et celui de leurs clients. Quelque chose comme une île. Un micro-climat. En rentrant chez eux, vous rentrez chez vous. Et vous avez toute les chances d'en sortir avec tranche de vie en plus!

Samedi, c'était le dernier jour de la boucherie. Antoine Cotti  avait le regard un peu plus songeur que d'habitude. L'esquisse d'un sourire apaisé quand même, quelques mots.  Plus de cinquante ans qu'il était entré dans le métier. C'était en 1956 du côté de Jarny puis chez Flenghi à Ancy-sur-Moselle. Une première boucherie en 63 rue du Pont Saint-Georges au Pontiffroy. Quand le quartier passera au hachoir de la rénovation il s'installera à Montigny en 1973. Au cœur d'un de ces villages commerciaux  qui parsèment la cité: la rue de " Pontam " entre la place Saint-Victor et le Saint-Christophe, presque en face des ateliers SNCF.  Ils  sont alors trois bouchers rien que sur ce tronçon sans compter ceux des " petites  rues ".  Aujourd'hui il est le dernier à fermer.

Entre   temps ? Cette immense  patience qui fait chaque jour tout recommencer, préparer, nettoyer… Entre temps ? 35 ans de première division pour le FC Metz et une passion peu ordinaire pour ce club. Par exemple pour les frappes d'Aliocha Asanovic élevées au rang de 8e merveille du monde. Entre temps ? Les amis. Un fils qui " marche bien "… sur une autre voie professionnelle.
Marie-Thérèse son épouse s'affaire côté charcuterie. L'entreprise,  depuis  quelques
années, c'est eux deux… et c'est tout. Le sourire de madame  Cotti s'habille plus que jamais d'émotion. Le bouquet de fleurs du Maire, la veille. Les clients qui n'en finissent  plus ce matin de vouloir emporter avec eux une parcelle de cette vie partagée : " et ça, ça doit bien se  garder ? ". D'autres ont écrit depuis leur lieu de vacances pour partager cet instant. La bande de copains qui fera la surprise de débarquer ce soir à 17 h 00 afin de faire  la fête  en compagnie des autres commerçants de la rue… Un air de guitare, des rires et des chansons pour enterrer la vie de boucher.  

Le rideau est tiré. L'impression que ce ne sera plus tout à fait comme avant. Derrière ses lunettes Antoine Cotti  a le regard un peu fatigué. Souvent ces derniers temps, ces dernières années il en avait un peu marre; comme une fatigue, comme un cheval lorsqu'il regagne l'écurie… mais aussi le souvenir de ce métier fait avec passion, de ces plats sans cesse inventés… De la quasi impossibilité de se trouver un successeur aujourd'hui… et ce n'était pas une affaire d'argent.
Dimanche nous avons descendu les derniers saucissons du " père Cotti " dans la cave… Faudra attendre qu'ils sèchent encore un peu… Et puis on fera des tranches fines. Ma femme parce qu'elle les aime comme ça. Moi, pour que ça dure plus longtemps.

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