prendre un ancien par la main

jeudi 7 décembre 2006 12:00 par JPJ    Metz

Ces paroles-là,  Yves Duteil ne les a pas chantées. Dans la farandole de la vie il est vrai les projecteurs au moment de Noël sont plutôt braqués sur les sourires des plus jeunes, sur les envies ou les caprices technologiques des uns et des autres, sur les appétits des troisièmes plutôt que sur le regard des anciens, surtout quand ils sont seuls… ou qu'ils se sentent seuls. Oh bien sûr les maires vont bientôt y aller de leur repas de Noël, les adjoints de leur bise et c'est déjà mieux que rien, mais dans ce tourbillon-là les lendemains sont souvent remplis de vide.
Pour avoir eu l'autre jour l'occasion d'effectuer une visite, ou plutôt de vivre ne serait-ce qu'un temps, dans une maison de retraite j'ai pu mesurer à quel point le temps ne s'y écoule pas comme ailleurs. Il n'est ni long ni court, il est différent. Le temps du silence succède à celui du bruit, celui des repas à celui du repos, le temps de la visite vient interrompre celui de l'absence. Un marché de Noël s'était installé ce jour-là dans les grands couloirs et les salles de la Sainte-Famille à Montigny-lès-Metz. Une brocante par-ci, des petits gâteaux par là, quelques tricots et des centres de table faits par les mains restées les plus valides. Celles-là mêmes qui, quelques dizaines d'années… ou quelques semaines auparavant apportaient sur la table familiale, à la maison, le plat de la fête. La spécialité de l'une ou de l'autre, qu'elles n'étaient par coquetterie ou par émotion pas tout à fait sûres d'avoir réussi comme les autres fois… " c'est une  quantité inhabituelle, la cocotte est un peu juste ou le four décidément fatigué….ce qui fait qu'au fond ça attache ou que ça aurait pu être plus cuit… "
Aujourd'hui ce sont les centres de table qui attachent…trois brins de sapin et une bougie, le flot, une boule peut-être…Donnant le bras à leur mère ou à leur grand-mère, les enfants qui y ont pensé sont là…Le personnel de la maison chaque fois qu'il rencontre des pensionnaires les salue par leurs noms… On s'arrête et on se parle. La directrice et la gouvernante montrent l'exemple… Une attitude identique… cette attention aux mots qu'on dit et qu'on s'efforce d'entendre chez l'autre, cette présence qui organise et qui rassure, qui offre l'échange. Peut-être seulement trois mots, mais on sent bien qu'on se donne le temps pour plus…et surtout la main qu'on prend systématiquement pour parler à l'autre. Une main tenue avec un mélange de fermeté et de douceur, une main qui permet d'échanger… Une main tendue qui est en elle-même une caresse…Leçon de vie.
La vieillesse est souvent considérée comme un problème ou comme un gisement d'emplois, un transfert de charges ou un refus d'assumer… Il y a tout cela bien sûr, mais quelle tendresse dans ces mains qui prennent des mains. La main d'une mère qui vous a caressé les cheveux,  la main d'un père qui si longtemps vous montrait  le chemin et qu'aujourd'hui vous guidez sur ce qui est peut-être son ultime route… Les mains qui se joignent après s'être tendues, qui se retrouvent parce que qu'elle sont de la même chair, du même corps et resteront du même esprit.