économie et instinct

jeudi 7 février 2008 12:00 par JPJ    Metz

L'animal politique est de retour. Pas l'un de ces grands fauves majestueux et chasseurs, l'une de ces carcasses aussi à l'aise dans la flamboyance du soleil de la brousse que sous les ors de la République. Non, le nôtre  tiendrait davantage du sanglier ou même du chien-loup. Il renifle, il fouille, il mord. Il est de retour sur un terrain qui s'est imposé à lui autant qu'il l'a choisi. Avec des réflexes d'autant plus aiguisés qu'il se sent en difficulté. Manifestement guidé par son instinct plus que  par une réflexion économique sophistiquée ou une stratégie longuement élaborée avec des équipes de conseillers, Nicolas Sarkozy a débarqué lundi au petit matin à Gandrange...

Une visite expresse en Moselle sur le chemin de la Roumanie mais une relation qui semble s'être tissée peu à peu au fil des dernières semaines entre un homme et un site également fragilisés. Tous deux menacés par les canons des conventions, les courbes des sondages, les emballements  et les couperets des décisions, les rafales de  coûts et de coups. Entre le feu de la politique et celui de la sidérurgie une passerelle est apparue  tout à coup. Irréelle et même  irréaliste tant on imaginait  que ces deux matières là étaient condamnées, pour le bien de l'une comme de l'autre,  à ne plus jamais vivre ensemble. Les fusions pour la création d'Arcelor, l'allègement de ses parts par l'Etat français à l'époque de cette concentration puis le rachat de ce fleuron européen par Mittal malgré les imprécations franco-françaises semblaient aller clairement dans ce sens.

Les propos présidentiels sur un engagement de l'Etat dans cette affaire étonnent. Problème de formulation, peut-être ? Ils rappellent les souvenirs des messages incantatoires  d'il y a 25 ans,  se heurtent aux règlementations européennes et à leur perception par les hommes qui seraient chargés de les appliquer. Question de repères. Ils semblent surtout en pleine contradiction avec des volontés pourtant mille fois affichées par cette même famille politique, ce même homme.  En opposition enfin avec des caisses désespérément  vides.

Mais la vie, on le constate, est une nouvelle fois  en train de changer... Le culte du libéralisme économique et financier mondial s'essouffle de n'avoir plus d'alternative institutionnelle à laquelle se frotter, de ne secréter que des terrorismes  pour le combattre, des catastrophes et des krachs pour  le menacer. Alors on sent bien qu'il faudra, ponctuellement en attendant mieux,  imaginer une fois encore de nouvelles voies, et de préférence en partant du concret, de Gandrange, de Toul, de La Rochelle et de Toulouse

Nicolas Sarkozy fera une nouvelle référence à Gandrange le lendemain. Parce qu'il aime bien raconter ce qu'il vient de faire, parce qu'il y pense manifestement. Pas encore au point de lui envoyer des textos sans arrêt. Mais il a manifestement saisi l'enjeu et les façons de s'en sortir. Pour lui politiquement, pour l'activité et ses hommes économiquement sans tomber dans les clichés. En s'adaptant plutôt qu'en disparaissant. Un autre dossier Toul se profile. Différent, moins emblématique peut- être. Une visite à Alsthom… Cette concentration caricaturale des enjeux sur un homme est au sens propre  insupportable mais peut-être passagèrement nécessaire, le temps pour la France d'affirmer la nécessité d'avoir une politique industrielle. " L'Etat ne peut pas tout mais il peut quelque chose disait sur les ondes nationales un commentateur spécialisé. L'enfermer dans l'impuissance  est aussi ridicule que de le parer de la toute puissance ". Les démentis et nuances ont beau pleuvoir   dans son propre camp, le scepticisme et l'ironie pointer parfois en face, une précaire mais belle unanimité s'est faite sur le terrain entre syndicats et techniciens… Il me semble qu'il en restera forcément quelque chose et que Gandrange est déjà passé à côté de l'écueil de l'indifférence.