il suffira d’un signe

jeudi 6 novembre 2008 08:00 par JPJ    Metz

Appuyé du coude sur son pupitre, il se tourne successivement  vers la tribune où sont installées les autres personnalités  puis vers le public. De sa main restée  libre il dessine des trajectoires montantes. Parfois, les doigts sont  tendus  comme les griffes en dessous d’une pierre que l’on imagine précieuse. Ils semblent sertir un objet invisible,  globe d’une idée qu’on se fait du monde et des hommes …

C’est François Mitterrand devant le  Parlement européen pour l’un de ses derniers discours, pour un ultime message  sur la dichotomie entre la guerre et la paix... Par un  mimétisme  frappant c’est aussi Bertrand Delanoë lorsqu’il  s’exprime l’autre soir devant les militants de la vallée de l’Orne et de la Moselle. De cette main semble couler tout à coup les idées qui irrigueront l’esprit de l’orateur puis la foule. Un public qui n’a pas envie de partir et se rend bien compte qu’il ne s’agit pas seulement d’un vieux truc pour scènes de province. D’ailleurs Catherine Nay, le lendemain sur les écrans de LCI confiera qu’elle a senti elle aussi depuis quelques temps chez Bertrand  Delanoë ce fluide d’autorité… un peu comme chez de Gaulle et Mitterrand précisera-t-elle. Et les autres invités auront beau railler l’image, elle s’y accrochera. Et moi je n’avais donc pas rêvé.
Il y a quelques mois,  lors d’un déjeuner  dans un restaurant messin à l’occasion du lancement d’un de ses livres, Philippe Labro m’avait fait exactement la même confidence à propos de Barack Obama alors même qu’Hillary Clinton semblait invincible. L’auteur de l’Etudiant américain, de retour dans le Colorado, le formidable homme de presse et de radio, le réalisateur de cinéma a toujours eu l’œil pour déceler l’homme, pour sentir ce fluide.  On y reviendra tout de suite, juste après une parenthèse pour une autre main levée, des doigts comme une couronne.
Ce sont ceux d’Hélène François.  La jeune femme est handballeuse à Metz . Comme ses coéquipières elle a été balayée samedi dernier au cours de la seconde mi-temps d’un match de coupe d’Europe par la puissance et la maîtrise des Danoise de Viborg. Elle a même complètement déjoué disent les spécialistes  mais,  pendant une dizaine de minutes à la fin de la première période, elle a fait souffler avec ses coéquipières un vent de grâce extraordinaire sur les Arènes. Cette attitude  un  peu en retrait de la ligne de front, ce bras levé, ces mains qui indiquent le choix tactique, ce corps qui danse, qui se dédouble ou s’infiltre.
Revenons à Barack, à son élection de la nuit dernière. A ce bonhomme  que j’avais trouvé détestable  trois jours avant  lorsqu’il faisait semblant de sortir de son  avion avec une citrouille sous le bras pour fêter Halloween à la maison. Sommet de ce que peut être l’hypocrisie et le culte des images d’une campagne quand elle triche  même avec les enfants.  Revenons à  cet homme devant 200 000 Berlinois il y a quelques mois, à ce président devant la foule sur une place et dans le parc de Chicago. A cette citation de Martin Luther King qui semblait jusqu’ici définir l’inaccessible. A ce geste là aussi, de la  main et des doigts.  Le monde est ainsi fait qu’il attend parfois tout simplement  un signe, que l’on donne ou que l’on reçoit. Jean-Jacques Goldman  l’avait chanté  au début des années 80 : il suffira d’un signe… Magie de la parole et du geste,  recette  effrayante car  elle a aussi conduit parfois aux horreurs les plus profondes.  Mais ce matin regardons plus loin… La statue de la Liberté ne semble pas trop souffrir de crampes au bras.

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