défriche industrielle

jeudi 4 octobre 2007 12:00 par JPJ    Metz

U 4 : touché. Rien à voir avec une quelconque bataille navale. Le texte de Pascal Didier sur le haut fourneau d’Uckange que nous publions ci-contre nous est arrivé mardi soir. Et j’ai eu tout de suite envie de vous le faire partager.
Bien sûr nous avons déjà abordé à plusieurs reprises cette opération de conservation du patrimoine industriel et de la mémoire. Pascaline Marion a raconté avec enthousiasme dans ces colonnes il y a une semaine la première de la mise en lumière. Elle a donné la parole à ceux qui se sont battus  pour que ce projet aboutisse. Il restait néanmoins des choses à partager. Merci à Pascal Didier qui est aussi président de l’association “Polar sur la ville”, de l’avoir fait pour nous.                

JPJ


Rouge comme un éclairage de haut-fourneau, la nuit n’est pas tombée, elle s’est levée.
Au fond de ma vallée, comme une voyelle suspendue dans un cri ou dans un bruit, le U4 dresse, redresse sa carcasse d’acier.
Au milieu de ce qui pourrait ressembler à un terrain vague et qui n’est que l’expression désertique de l’horreur économique, la machine est là.
Silencieuse et rouge dans le bleu noirci de la nuit.
Eclairée de mille feux, néons, reflets de lave et de métal en fusion.
Je marche, il est dans les vingt-deux heures, je suis presque seul. La visite se termine et ça sent doucement l’automne dans ce vent léger qui souffle sur ma gueule, je marche le long d’un chevalement de lumières et je tourne autour d’une cathédrale de métal ouvrier, d’un empilement de pierres, de murs cassés, de ferrailles, de trous noirs, d’ombres, de fantômes  et de plantes sauvages qui ont repris le dessus et imposé le silence.
Je marche et je l’entends qui respire, l’usine.
Comme dans mes nuits fenschoises quand de mon lit d’enfant, j’écoutais mon père travailler le soir dans le ventre de la Bête.
Ce soir à Uckange, la coulée est rouge et continue de se souvenir de ce temps où les ouvriers venaient vivre, travailler et mourir ici.
Etonnante nuit que voilà où l’histoire de chacun d’entre nous s’éclaire en néons rouges dans ce paysage noir et rouillé.
Je redescends de là-haut.
La route a ses néons orangés qui poursuivent le voyage.
Je roule vers ma nuit et mon cheval métallique s’enfonce dans le noir.

Pascal DIDIER