la toile s’est rétrécie

jeudi 2 août 2007 12:00 par MV    Metz

Cette semaine, la toile du 7e art s'est rétrécie. En trois jours, Michel Serrault, Ingmar Bergman et Michelangelo Antonioni ont quitté le grand écran, passant de la lumière à la pénombre de la mémoire. L'impression d'une bougie que l'on souffle, d'une pellicule qui se brûle alors qu'elle est projetée sur la toile blanche. Désormais, les spectateurs ne bénéficieront plus du talent créatif de ces artistes qui savaient nous observer pour mieux nous raconter la vie. On ne pourra désormais plus que se souvenir de la magie d'Antonioni dans " Blow up", ce film mettant en scène un dandy dans le Swinging London tout en livrant une réflexion sur le rôle de l'image. Se souvenir aussi de la métaphysique du Septième Sceau de Bergman.
Michel Serrault a été comme le bon vin, se bonifiant avec l'âge. Sa carrière l'a fait évoluer d'un statut de clown de music-hall à celui d'une statue déifiée de son vivant. Albin de la Cage aux folles, pour lequel il a été nominé aux Césars, l'a enfermé dans ce rôle de folle qu'il aimait tant à livrer. Il aura peut-être d'ailleurs fallu attendre en 1992 la disparition prématurée de son alter ego, Jean Poiret, pour qu'on puisse voir le talent de Serrault en pleine lumière. Il a pu alors se dégager de sa tentation d'être un simple bouffon pour camper définitivement des personnages tragiques.
On pense à ses cernes bistres dans " Docteur Petiot ", à ce huis-clos face à Lino Ventura dans " Garde à vue ". Rarement un acteur aura su évoluer autant sur les différents registres, campant tout aussi bien le rôle du vieux monsieur corseté dans sa bonne éducation face à Emmanuelle Béart (Nelly et Monsieur Arnaud) que celui du bougon en duo avec Mathilde Seigner dans " Une hirondelle ne fait le printemps ".
Avec ses trois Césars du meilleur acteur, Michel Serrault était le plus récompensé de toute la profession. Plus jeune, il hésitait entre clown et prêtre. Au fil de sa carrière, il sera passé de l'un à l'autre. Un syndrome à la Coluche dans Tchao Pantin : le comédien qui nous fait habituellement rire s'est livré plus particulièrement dans le sérieux, le grave, le lourd. C'est lorsque le comique se transforme en tragique qu'il en devient d'autant meilleur.
Michel Serrault a composé cette personnalité inoubliable. Cette grande figure alliait chaleur humaine et goût de la provocation. Une manière de mieux se dissimuler et de préserver son jardin secret, lui qui cultivait une foi en Dieu mais ne l'évoquait qu'en de rares reprises.  Aujourd'hui, on ne peut s'empêcher de regarder le ciel. La mort des cinéastes sont des disparitions qui laissent un vide mais aussi des traces qui alimentent nos rêves. En cet été où les projections en plein air se démocratisent, comme c'est le cas à Metz, on ne peut que se rappeler de cette race d'acteur à laquelle Serrault appartenait, ceux à qui l'on peut s'identifier et qui savent préserver leur capacité de mystère.