Raymond Gans

samedi 1er novembre 2008 21:20 par la Semaine    Metz

Les Américains devront choisir entre protectionnisme et grands travaux…

Raymond Gans a 65 ans et il dirige une entreprise de négoce en produits sidérurgiques. Peu  soucieux d’apparaître sur le devant de la scène publique, l’homme ne refuse jamais pour autant, d’exprimer ses analyses devant les milieux  professionnels, spécialisés ou amicaux. Avec une constante de raison dans les moments d’euphorie, de mesure dans les périodes difficiles. Une solide dose de bon sens et d’humour aiguillée par le désir de voir plus loin, de préparer la suite avec ses clients comme avec ses fournisseurs.

A la situation de crise actuelle, Raymond Gans ne voit guère d’espoir de sortie avant dix-huit mois. « Et cela dépendra en bonne partie de choix faits aux Etats Unis. L’Europe, ou ce qu’il en restera  suivra six mois après ».

comment définir ce qui se passe ?
« La caractéristique de ce que nous vivons : c’est qu’il y a plusieurs crises à la fois. Crise financière, énergétique, des matières premières, écologique et économique…. Nous avons déjà eu à surmonter l’une ou l’autre de ces situations, notamment pour le pétrole en 73, pour les bulles financières ou pour l’immobilier dans les années 90 mais jamais tout cela de façon simultanée. Alors forcément, ça secoue beaucoup plus et les repères disparaissent ».

quel a été le facteur déclenchant ?
« En dehors des tensions très fortes qui existaient sur les marchés de l’énergie et des matières premières, de l’inquiétude que faisait régner la crise des subprimes, de la course en avant entretenue par les exigences de rentabilité des fonds de pension et autres acteurs financiers, c’est la chute de la banque Lehman Brothers mi-septembre qui a donné le signal de l’affolement financier.  Les Etats-Unis ont décidé de la laisser plonger sans imaginer forcément qu’ils auraient très vite à voler au secours de l’ensemble du système. Pour eux, en dehors des notions de capitalisme et de libéralisme,  il y avait dans les problèmes de Lehman Brothers  une question de principe un peu puritain qui consiste à dire que celui qui a péché doit payer. Le problème ensuite c’est que toutes les banques se sont affolées et que plus personne n’a eu confiance en personne. Ce qui s’est passé pour Fortis ou Dexia est caricatural  mais c’est comme ça. Le système financier et son fonctionnement se sont retrouvés par terre, les Etats ont injecté des sommes énormes pour tenter de rétablir la confiance et la liquidité. On a cru un instant que c’était bon  et qu’il ne restait plus qu’à se pencher sur le plan économique. Mais on voit bien que même sur le plan financier ce n’est pas réglé ».

comment va-t-on en sortir ?
« Une bonne part de la solution viendra des Etats Unis eux-mêmes et dépendra du nouveau président. La nuance entre les deux hommes, entre Mac Cain et Obama n’est pas neutre. Pour le démocrate il s’agira avant tout de protéger à  la classe moyenne, de sécuriser. Pour Mac Cain de conforter des principes libéraux. Il y a une probabilité Obama mais il est difficile de savoir ce qu’il fera. Ce qui est sûr, c’est qu’il prendra vite, avant le printemps prochain, un certain nombre de décisions qui orienteront la solution ».

Deux grands hypothèses existent : le retour au protectionnisme ou le programme de grands travaux. Le protectionnisme mettrait dans une situation délicate l’Extrême -Orient fournisseur des USA et aussi partenaire financier prépondérant. Il pourrait néanmoins entraîner un comportement du même type en Europe, collectivement ou individuellement ce qui signifierait la fin de l’espace économique commun.

Deuxième voie : celle des grands travaux, d’un new deal… mais là aussi il faudra suivre et se poseront les problèmes des matières premières des sources d’énergie, de la pollution.
Quelle que soit la solution les USA sont condamnés à bouger et cela donnera de nouveaux repères d’ici le milieu de l’année 2009. L’Europe redémarrera six mois plus tard. Dans quel état, on verra bien.