la fin du Désert des Tartares

jeudi 31 juillet 2008 10:00 par MV    

Fini, la Lorraine aux airs de désert des Tartares, comme dans le roman de Dino Buzzati. Dans trois ans, une grande partie des forces du Lieutenant Drogo aura fini de replier ses campements.
Durant des siècles, la région a vécu sous l'empreinte militaire. Depuis la Seconde Guerre mondiale, la Lorraine s'est inscrite comme une barrière française face aux forces du Pacte de Varsovie. Mais, depuis vingt ans, le Rideau de fer est démantelé. Le risque est désormais diffus. Les guerres sporadiques nécessitent la projection de forces mobiles. Une réalité qui autorise ou favorise une concentration des unités militaires hors de la Lorraine.
Autre changement, la place croissante laissée à une qualité de la vie. Révolu, le temps des officiers de cavalerie qui construisaient leurs carrières entre Dieuze, Bitche ou Mourmelon. Les familles supportent de plus en plus difficilement de composer leur quotidien dans de petites villes de garnison rurales. Pas évident pour les épouses d'y trouver du travail, pour les enfants d'y choisir leur scolarité. Les soldats préfèrent les grandes villes, privilégient les zones urbaines attractives.
Comme l'analysait la semaine dernière un des acteurs politiques, « dans ce dossier, on s'est fait avoir. Ce sont finalement les militaires qui ont décidé.»
C'est sans doute cela qui fait le plus mal à la Lorraine. Se dire qu'elle a aussi perdu cette guerre de l'image. Que les armées ont privilégié les régions du Sud et de l'Ouest par rapport à cet Est a priori austère. Tout à leurs querelles intestines, les grands élus lorrains n'ont pas vu que le monde changeait à vitesse grand V autour de nous. Aujourd'hui, quelle est l'image de la Lorraine aux yeux du reste de la France? Encore, et toujours, cette image d'Epinal : cheminées d'usine, anciens chevalements de mine et garnisons. Peu importe les efforts effectués depuis vingt ans autour de Nancy. Peu importe l'ouverture annoncée d'un Center Parcs à proximité de Sarrebourg. Les caricatures font de la résistance. Pour notre plus grand malheur.
La Lorraine n'a pas bénéficié d'élus de premier plan pour défendre à Paris ses unités militaires dans les quelques cas qui ont fait l'objet d'un arbitrage politique. Frescaty et le commandement de l'armée de l'air abrité sur place en ont sans doute fait les frais. Metz aussi.
Autre malaise, tout aussi grand, lié aux réponses mises en face des restructurations par le gouvernement. En trente années de mutation, la Lorraine avait pris l'habitude de bénéficier de moyens exceptionnels. Nomination de Jacques Chérèque pour compenser la fermeture des mines de fer et de la sidérurgie, pacte charbonnier généreux pour la Moselle-Est.
Cette fois-ci, la région est logée, ou presque, à la même enseigne que les autres. Des enveloppes de 10 millions pour chacune des villes mosellanes concernées, la signature annoncée de contrat de sites. L'Etat a changé son fusil d'épaule, ne protège plus les régions les plus affaiblies. A elles de trouver les ressources internes pour rebondir.
L'avenir de la Lorraine passe donc par ses habitants, ses décideurs économiques et ses élus. Ils ont annoncé leur volonté d'union. C'est une des clés pour passer la période de doute qui s'annonce.

Paradoxe, une bonne nouvelle cependant. Grâce à cette coupe claire dans les effectifs, la Lorraine n'aura plus l'image de région militaire. Merci l'armée...

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